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    L'Inquisition espagnole au service de l'État

    Bartolomé Bennassar dans mensuel 15 

    daté septembre 1979 -  Gratuit

    Responsable de milliers d'exécutions capitales, l'Inquisition a mérité sa réputation de cruauté. Mais c'est oublier qu'elle fut d'abord un rouage essentiel de l'appareil d'Etat.

     

    Copenhague, septembre 1978 : colloque international organisé par Gustav Henningsen, l’un des meilleurs spécialistes de l’Inquisition. Cuenca, à la fin du même mois : grand rassemblement des chercheurs et des historiens qui se sont occupés peu ou prou de l’Inquisition espagnole ; empressement des mass média ; afflux des étudiants venus de toute l’Espagne ; compétition des éditeurs pour obtenir la publication des actes du congrès... Tout cela démontre que l’Inquisition interpelle la recherche historique contemporaine tout en suscitant la curiosité de l’opinion cultivée. De fait, la masse des publications concernant l’Inquisition ne cesse de déferler. La bibliographie générale de l’Inquisition, qui sera publiée prochainement par le Luxembourgeois Emil Van der Vekené, comportera plus de 4 000 titres dont plus de la moitié postérieurs à 1950 !

    Il est vrai que le goût nouveau pour l’histoire dite des mentalités n’a pu que stimuler l’intérêt pour une institution qui ne traquait pas seulement les actes ou les paroles des suspects mais aussi leurs croyances, leurs représentations mentales, cherchait à capter les sources de leurs idées. Les pièces des procès, souligne Gustav Henningsen, évoquent « les rapports médicaux d’une clinique psychiatrique, les notes d’un psychologue sur ses conversations avec ses patients, les analyses détaillées d’un sexologue sur les comportements sexuels anormaux, les notes de terrain d’un anthropologue [...], les analyses phénoménologiques d’un historien des religions... ». C’est pour cela que l’histoire de l’Inquisition n’a pas seulement un présent florissant. Elle a encore un avenir.

    Romaine ou Espagnole ?

    Mais, au fait, qu’est-ce que l’Inquisition espagnole ? La question n’est pas inutile. Elle remet au jour un débat ancien ouvert par l’historiographie du XIXe siècle mais qui n’a jamais été traité au fond. L’Inquisition fut-elle d’abord un tribunal d’Église ou un tribunal d’État, l’agent privilégié de l’activisme catholique ou un instrument politique d’une rare efficacité au service des rois d’Espagne ?

    De grands spécialistes de l’Inquisition ont tranché en faveur de la première thèse. L’Inquisition espagnole fut d’abord, selon eux, ce qu’elle affirme être : un « Saint-Office », un tribunal religieux, certains disent une « œuvre romaine ». Dès le XVIe siècle, il est vrai, le Livre des martyrs de John Foxe avait présenté l’Inquisition comme un simple avatar du catholicisme, capable de surgir dans n’importe quel pays catholique.

    Le plus grand historien de l’Inquisition, l’Américain Henry Charles Lea, lui-même, affirme que dans l’ensemble le tribunal du Saint-Office ne s’employa pas à poursuivre les objectifs de la Couronne. Plus nuancé, un autre historien anglo-saxon, Henry Kamen, commence par écrire : « L’Inquisition sous la forme qu’elle revêtait en 1483 et conserva par la suite était un instrument du pouvoir royal et elle demeura politiquement soumise à la Couronne, sans être pour autant un tribunal séculier. » Mais après cette affirmation il ajoute : « L’autorité et la juridiction exercées par les inquisiteurs d’Espagne venaient directement ou indirectement de Rome sans qui le tribunal aurait cessé d’exister. Les bulles de nomination, les réglementations canoniques, les sphères de juridiction étaient, toutes, soumises à l’approbation préalable du pape. L’Inquisition était donc essentiellement un tribunal ecclésiastique dont l’Église de Rome assumait l’entière responsabilité[1]. »

    Un rouage de l’appareil d’État

    Tout récemment, Louis Sala-Molins présentait sa traduction du Manuel des Inquisiteurs d’Eymerich, revu par Pena. Il affirme que l’Inquisition espagnole (appellation qu’il juge radicalement impropre) est avant tout, elle surtout, opus romanum, une œuvre romaine. Notamment, observe-t-il, parce que Rome contrôle l’Inquisition espagnole, comme les autres, par la nomination de son personnel. A propos du droit inquisitorial il précise, après une longue citation du Manuel : « Les instructions de l’Inquisition espagnole sont une manière d’être de l’Inquisition pontificale et le siège romain considère ces instructions-là exemplaires et autonomes parce que légitimées par l’autorité pontificale. » Et plus loin : « Rome [...] fonde dans leur légitimité les inquisitions régionales ou nationales dont elle contrôle totalement les pratiques, qui évoluent en son nom et dont elle constitue la dernière instance, le dernier appel[2]. »

    Je dois avouer que ma propre expérience des archives de l’Inquisition « espagnole » ne me permet pas d’accepter ces thèses, même si elles paraissent légitimées par le droit. Et cela pour toute une série de raisons : 

    - parce que nos auteurs ne semblent pas prêter une attention suffisante aux circonstances dans lesquelles l’Inquisition « espagnole » est née et s’est affermie. Je considère ici le premier demi-siècle de son existence, soit avant 1530 ; 

    - parce qu’ils esquivent le problème essentiel des rapports entre l’Église et l’État en Espagne avant la fin du XVIIIe siècle, il faudrait même dire des rapports entre les carrières d’Église et les carrières d’État ; 

    - enfin, parce qu’ils n’ont pas pris la peine d’examiner dans le détail la relation entre la politique de la monarchie espagnole (à l’intérieur comme à l’extérieur) et la pratique inquisitoriale qui ne dépend pas seulement des instructions, manuel de procédure, mais beaucoup plus des cartas acordadas émanées du Conseil de l’Inquisition, au gré de la conjoncture, et qui avaient force de loi.

    Bien entendu, il serait tout à fait ridicule de prétendre que l’Inquisition ne fut pas l’expression du catholicisme militant. Mais, à la lumière de ces expertises, je propose une vision différente de l’Inquisition « espagnole », élément capital de l’appareil d’État de la monarchie. Cette conception s’accorde avec celles de Ricardo Garcia Carcel et de S. Perez Villarino, deux historiens espagnols à qui l’on doit des travaux récents et importants sur l’Inquisition.

    L’Inquisition à la question

    D’abord quelques questions naïves.

    - Pourquoi le roi d’Aragon, Ferdinand, fut-il le principal champion de la création et du développement de la « nouvelle » Inquisition puisqu’une Inquisition « romaine », dans la dépendance directe de Rome, existait précisément depuis le XIIIe siècle dans son royaume ? Le livre de Garcia Carcel vient de démontrer qu’elle n’avait pas cessé son activité. Il a ainsi retrouvé à Valence quinze procès d’Inquisition de 1460 à 1467.

    - Pourquoi la bulle de création du pape Sixte IV, du 1er novembre 1478, concède-t-elle aux rois d’Aragon et de Castille les pouvoirs de nommer et de destituer « deux ou trois » ecclésiastiques comme inquisiteurs ? Pourquoi Ferdinand d’Aragon profite-t-il aussitôt de la situation pour « réformer » la vieille Inquisition d’Aragon en nommant lui-même les inquisiteurs?  Pourquoi, repoussant la prétention du pape à faire contrôler le Saint-Office par les évêques, Ferdinand obtient-il de Sixte IV une nouvelle bulle (du 17 octobre 1483) qui nomme Torquemada inquisiteur général d’Aragon, Valence et Catalogne, alors qu’il l’était déjà de Castille, ce qui revenait à placer l’Inquisition espagnole sous une autorité unique ?

    - Pourquoi, dès 1483, la création du Conseil de la Générale et Suprême Inquisition, conseil de gouvernement à l’égal des quatre autres : État, Finances, Castille, Aragon ? Pourquoi l’un des premiers inquisiteurs généraux, Jimenez de Cisneros, qui le fut de 1505 à 1517, est-il en même temps régent du royaume de Castille, ce qui signifie qu’il exerce la plénitude du pouvoir politique en même temps que le magistère inquisitorial ?

    - Pourquoi à cette époque les juifs jouissent-ils en Italie, et précisément à Rome, d’une relative tolérance ? Et pourquoi l’Inquisition « espagnole » fait-elle, dans ses commencements, la chasse aux conversos[3] exclusivement ou presque ? C’est là un fait indubitable qu’il ne sert à rien de contester car il est maintenant quantifié. Partout, à Tolède comme à Valence ou Séville, à Barcelone comme à Saragosse, l’immense majorité des victimes sont des judaïsants : partout plus de 90 ou de 95 %, parfois plus de 99 %. A Valence, 91,3 % des 2 354 personnes qui furent jugées avant 1530 étaient des judaïsants mais le pourcentage est encore beaucoup plus fort si on se limite à la période antérieure à 1505. A Barcelone, sur 1 199 personnes jugées avant 1505, huit seulement n’étaient pas des judaïsants !

    - Pourquoi les Cortès de Castille, d’Aragon, de Valence, de Catalogne, ont-elles manifesté de façon claire leur hostilité à la nouvelle institution ? Nous disposons à cet égard des documents publiés par Llorente. Pourquoi les opposants, et les conversos en particulier, se sont-ils adressés au pape et non au roi pour obtenir, sinon l’abolition, du moins la réforme de l’Institution ?

    - Pourquoi les papes, et notamment Léon X, furent-ils très près de suivre ces avis ? Et pourquoi l’Inquisition « espagnole » fut-elle consolidée par le pape Adrien VI, inquisiteur général de 1518 à 1522 et ancien précepteur de Charles Quint ?

    Une machine de guerre contre les libertés

    Les réponses à ces questions sont essentielles. Elles sont aujourd’hui assez faciles à donner. On voit aussitôt qu’elles mettent d’abord en cause l’attitude et les intentions des souverains. Il est patent que les rois catholiques et notamment Ferdinand d’Aragon ont vu dans l’Inquisition nouvelle manière un adjuvant puissant du centralisme monarchique, une force capable de désagréger les particularismes et les privilèges des « royaumes » ou principautés qui composaient l’Aragon.

    L’historien espagnol Ricardo Garcia Carcel a fait la démonstration du rôle de l’Inquisition à Valence, de la façon dont elle a été perçue comme un corps étranger par les Valenciens qui se sont opposés à elle avec obstination, et notamment l’Eglise valencienne, mais aussi de la volonté impitoyable de Ferdinand d’Aragon d’imposer le nouveau tribunal dont il choisit à dessein les juges en dehors de Valence. En 1486, l’opposition valencienne élabore le catalogue des contrafueros, c’est-à-dire des atteintes aux privilèges du royaume commises par le souverain par le canal de l’Inquisition et rappelle les fueros accordés par Jaime Ier[4]. Ferdinand n’en tient aucun compte : dès 1484 et 1485, il avait même promulgué deux pragmatiques interdisant que des bulles pontificales puissent être invoquées comme un changement d’attitude de la papauté. Ricardo Garcia Carcel n’hésite pas à affirmer que l’Inquisition « moderne » est un instrument réellement idoine pour l’affermissement de la puissance de l’État moderne nouveau-né.

    Il n’est donc pas étonnant que l’hostilité à l’Inquisition « moderne » ait été particulièrement forte dans les États du royaume d’Aragon où l’Inquisition existait cependant dès le XIIIe siècle. Ce n’est pas un paradoxe mais l’effet d’un changement capital. Mais l’opposition fut plus générale et elle fut exprimée nettement par les Cortès de Castille à Valladolid en 1518. Car il était désormais établi que les libertés des sujets étaient menacées par la procédure de la nouvelle institution, notamment par la pratique rigoureuse du secret et le régime des séquestres et des confiscations de biens. On verra plus loin comment l’Inquisition devint effectivement un agent irremplaçable du contrôle social au service de la monarchie.

    Les papes pris au piège

    Ces questions concernent également les papes. Il est à peu près évident que Sixte IV s’est laissé surprendre par la demande de souverains qu’il souhaitait favoriser, compte tenu du rôle qu’ils jouaient dans la « Croisade » : l’épisode définitif de la reconquête se prépare alors en Espagne. Au reste la bulle du 1er novembre 1478 avait une portée limitée : il ne s’agissait alors que de nommer « deux ou trois » ecclésiastiques âgés de plus de 40 ans comme inquisiteurs afin de mettre au pas les conversos andalous qui judaïsaient en secret.

    Puis le pape se fait extorquer, le 11 février 1482, un bref qui autorise la nomination de sept autres inquisiteurs : il s’agit encore de l’Andalousie mais déjà aussi de la Nouvelle-Castille.

    Or, Ferdinand fit un usage extensif de la bulle et du bref en « réformant » la vieille Inquisition d’Aragon pour la soumettre à son autorité directe. Dès la fin de l’année 1482, Sixte IV alerté tentait de revenir sur ses concessions : il condamnait dans une nouvelle bulle la « soif de lucre » de l’Inquisition, les jugements expéditifs et les mauvais traitements infligés à de nombreux chrétiens, réclamait enfin le contrôle du Saint-Office par les évêques. Il fallut une action énergique de la diplomatie de Ferdinand pour faire reculer le pape.

    Une nouvelle partie importante s’est jouée sous le pontificat de Léon X. L’action fut menée à Rome par les opposants largement pourvus d’argent par les conversos. Il s’agissait de limiter les pouvoirs de l’Inquisition et d’abord de ses agents dont les privilèges étaient devenus rapidement intolérables, de limiter aussi ses juridictions en interdisant au Saint-Office de connaître des affaires de bigamie, de blasphème, d’usure, etc. En 1516, Léon X paraissait acquis à une telle réforme. Il reste à savoir pourquoi elle n’est pas intervenue immédiatement, quel rôle ont joué la mort de Ferdinand, l’avènement de Charles Ier, le futur Charles Quint, la mort du chancelier Jean le Sauvage favorable à la réforme, l’attente de l’élection impériale, les débuts de la Réforme...

    Ce retard, en tout cas, devait être décisif : en 1522, le nouveau pape Adrien VI n’a rien à refuser au roi de Castille et d’Aragon qui est aussi l’empereur Charles Quint, son ancien élève[5]. Comment d’ailleurs le pape, Adrien VI ou son successeur, aurait-il les moyens de s’opposer en Espagne même au monarque dont il a le plus urgent besoin pour combattre la Réforme ? Même lors des affaires les plus scandaleuses aux yeux de Rome, comme le procès intenté par l’Inquisition à l’archevêque de Tolède, Bartolomé Carranza, le pape n’aura pas les moyens d’imposer ses vues. Il y a distorsion évidente entre le droit (la souveraineté de Rome sur l’Inquisition) et le fait.

    Le Saint-Office contre les juifs

    Enfin, que cela plaise ou non, comment ignorer que la création de l’Inquisition espagnole correspond au déferlement de l’une des plus puissantes vagues d’antisémitisme que l’on ait connues en Europe ? Cet antisémitisme avait pris une force particulière au sein des masses urbaines d’Andalousie et de Nouvelle-Castille, travaillées par les moines et notamment les dominicains, champions attendus des luttes contre l’hérésie. L’inspirateur de l’Inquisition fut le prieur du couvent des dominicains de Séville, Alonso de Hojeda, qui exerçait une influence très grande sur les rois catholiques. Il dénonça l’existence de nombreuses communautés conversas qui pratiquaient clandestinement le judaïsme. Et l’enquête menée par l’archevêque de Séville, Pedro Gonzalez de Mendoza, confirma la réalité des révélations d’Alonso de Hojeda.

    Mais l’offensive des dominicains aboutit parce qu’elle se nourrit de l’antisémitisme des masses. Les artisans, les boutiquiers, les laboureurs vieux-chrétiens envient la réussite matérielle et sociale des juifs et des conversos qu’ils accusent d’être mal convertis, leurs succès comme manieurs d’argent au service de la fiscalité royale, leurs talents d’hommes de sciences ou d’hommes de lettres, leurs alliances matrimoniales avec l’aristocratie. La recherche historique commence à découvrir que, contrairement à ce qui a été écrit jusqu’ici, les familiers de l’Inquisition des premières générations, milice supplétive de l’institution, ont été recrutés dans ces catégories sociales et non au sein des classes dominantes qui ne se sont intéressées que plus tard à la familiature.

    Il est alors normal que l’opposition à l’Inquisition ait été particulièrement forte à Barcelone, à Valence, à Saragosse, c’est-à-dire au sein de sociétés largement pénétrées par les intérêts mercantiles et qui savaient ce qu’elles devaient à l’esprit d’entreprise et au travail des juifs ou de leurs descendants.

    Il reste que l’Inquisition a fait plus de victimes en cinquante ans, avant 1530, que pendant les trois siècles suivants et plus de 90 % de ces condamnés à mort furent des juifs. Un processus de rejet de cette importance implique la société tout entière, appelle sans doute à une meilleure connaissance de la crise économique, sociale, spirituelle, de la fin du Moyen Age espagnol.

    Voici donc le Conseil de l’Inquisition parmi les conseils de gouvernement. Il est composé d’ecclésiastiques. Mais, dans l’Espagne moderne, au XVIe siècle surtout, la présence d’ecclésiastiques de rang élevé ou de grande réputation dans les hautes sphères du gouvernement et de l’administration est habituelle, permanente. Il y a là une situation exceptionnelle dont le seul équivalent est l’Angleterre, de la Réforme d’Henry VIII jusqu’à la Guerre civile de 1640. Ce sont les ecclésiastiques qui dominent le Conseil des Indes ; ils sont présents dans les autres conseils, sauf sans doute dans ceux de la Guerre et des Finances. Ce sont des prélats qui président les Audiences, comparables à nos Parlements.

    Les hommes du roi

    Cette situation est parfaitement compréhensible si l’on se réfère au droit de patronage auquel les historiens ne prêtent pas une attention suffisante. Les papes avaient accordé avec quelque réserve aux rois catholiques le droit de nommer les titulaires des bénéfices ecclésiastiques les plus importants, notamment les archevêques et les évêques. Ce droit fut confirmé et étendu en 1523. Dès lors, l’intervention du pape se bornant à une confirmation, les évêques furent en Espagne hommes du roi autant qu’hommes d’Église. Il était naturel, compte tenu de leurs revenus et de leur influence, qu’ils soient associés étroitement aux tâches de gouvernement. L’Église d’Espagne (et d’Amérique espagnole) était une Église nationale tout autant que l’Église anglicane, mais elle avait fait l’économie d’une rupture avec Rome. Il y avait donc confusion entre l’État et l’Église, confusion fréquente entre les carrières de l’État et celles de l’Église, passage naturel des unes aux autres. La thèse de Jean-Marc Pelorson vient d’ailleurs de démontrer à quel point les jeunes letrados des XVIe-XVIIe siècles hésitaient longuement entre l’Église et le laïcat[6].

    Or les inquisiteurs ne le sont pas à vie. Les affaires d’Inquisition ne sont presque toujours qu’une étape dans leur carrière, une étape parfois mineure. Au fait, qui sont les inquisiteurs ? Julio Caro Baroja dont le flair et l’acuité d’esprit ne sont jamais en défaut a constaté, dans un essai court mais dense, que les historiens ne s’étaient guère occupés de savoir qui étaient les inquisiteurs, quels avaient été leur formation, leur carrière, leur destin[7].

    Qui sont les inquisiteurs ?

    Nous sommes maintenant en mesure de combler cette lacune essentielle. Et il faut d’emblée détruire une légende tenace, celle qui associe l’Inquisition espagnole à l’ordre dominicain. Certes, on vient de l’écrire, l’Inquisition moderne, comme la médiévale, est née d’une initiative des dominicains, les premiers inquisiteurs (et bien sûr le célèbre Torquemada) étaient des dominicains. Mais, très vite, les dominicains perdent la maîtrise de l’institution. Désormais, les inquisiteurs seront presque tous des membres du haut clergé séculier, ayant fait de fortes études universitaires sanctionnées par un titre, et, il faut le souligner, engagés dans une carrière d’Église ou d’État, voire d’Église et d’État.

    Sur 45 inquisiteurs généraux, de 1481 à 1820, cinq dominicains seulement : Torquemada (1484-95), Garcia de Loaysa (1538-46), Luis de Aliaga (1618-25), Antonio de Sotomayor (1632-43) et enfin Jaime Tomàs de Rocaberti (1694-99). Ils sont demeurés, il est vrai, longtemps en fonction. Mais seuls les deux premiers furent des personnalités de premier plan.

    Mais, ce qui est plus important, c’est de constater que les dominicains n’ont nullement dominé les tribunaux provinciaux, même dans la période initiale. A Valence, sur vingt inquisiteurs recensés de 1478 à 1530, cinq dominicains contre douze séculiers et trois individus non identifiés. Pour Tolède, le tribunal le plus prestigieux avec celui de Séville, on dispose des résultats déterminants de la recherche de Jean-Pierre Dedieu.

    Celui-ci a pu constituer la fiche signalétique des 57 inquisiteurs passés par le tribunal de Tolède de 1482 à 1598, soit pendant plus d’un siècle. Un seul dominicain ! Mais 41 licenciés et 14 docteurs: 96,5 % de ces inquisiteurs sont des letrados , ils font partie de cette catégorie sociale sur laquelle s’est appuyé le gouvernement des Espagnes du XVIe au XVIIIe siècle, et surtout au XVIe siècle. Si l’on y regarde de plus près on s’aperçoit que douze de nos inquisiteurs tolédans sont passés par le collège de San Bartolomé de Salamanque, l’institution universitaire la plus célèbre de l’époque, et que six autres viennent du collège de Santa Cruz de Valladolid qui le cède à peine en renommée au collège salmantin, six autres viennent de collèges fort notables. Ainsi, près de la moitié des inquisiteurs tolédans ont fait leurs études dans les quatre ou cinq collèges les plus fameux du pays, pépinières de hauts fonctionnaires destinés aux avenues du pouvoir.

    De fait, au moment de leur nomination comme inquisiteurs de Tolède, 26 étaient déjà chanoines d’une cathédrale, d’autres étaient vicaires ecclésiastiques. Plus tard, quatorze de ces inquisiteurs siégeront au Conseil suprême de l’Inquisition ; seize deviendront évêques (dont quatre archevêques).

    Mais ce n’est pas seulement dans des fonctions d’Église que ces inquisiteurs s’illustreront par la suite : plusieurs deviendront auditeurs des audiences de Grenade et Valladolid et trois présidents de ces hautes cours. D’autres accéderont à la présidence des grands conseils de gouvernement : Francisco Tello de Sandoval, président du Conseil des Indes ; Mauricio Pazo y Figueroa, président du Conseil de Castille ; quant à Antonio Zapata de Mendoza, issu de la haute noblesse, il deviendra vice-roi de Naples.

    Le Conseil de la Suprême

    Quelques itinéraires personnels sont particulièrement significatifs. Soit Francisco Tello de Sandoval : passé par le collège de San Bartolomé et licencié, il devient chanoine de la cathédrale de Séville, puis inquisiteur de Tolède. Chargé d’une « visite » au Mexique, il est ensuite nommé évêque d’Osma, puis de Plasencia. Il devient président de l’audience de Grenade, puis de celle de Valladolid, enfin du Conseil des Indes. Ou Fernando de Valdès : ce noble asturien fit lui aussi ses études au collège de San Bartolomé de Salamanque. Tour à tour évêque d’Orense, Oviedo, Léon, Siguenza, archevêque de Séville, il siège au Conseil suprême de l’Inquisition et devient grand inquisiteur. Mais aussi président de l’audience de Valladolid et, consécration suprême, présfdent du Conseil d’État sous Philippe Ier. Ce sont bien des carrières qui mêlent dans un ordre chronologique variable les fonctions d’Église, d’Inquisition, d’administration et de gouvernement.

    D’autre part le Conseil de la Suprême, organe de gouvernement, a exercé une autorité croissante sur les tribunaux provinciaux. Il a contrôlé sévèrement l’activité et le comportement des inquisiteurs au moyen d’inspections périodiques très poussées dont les procès-verbaux constituent de très riches documents encore peu utilisés..., ce qui n’empêchait d’ailleurs pas beaucoup d’inquisiteurs d’éprouver et de vivre les passions des autres hommes, d’aimer la poésie, le jeu et la danse, de gratter la guitare, d’être irascibles et violents, de faire du commerce et de s’enrichir, d’entretenir de jolies femmes et de leur faire des enfants.

    Plus encore, le Conseil de la Suprême orientait la politique inquisitoriale. Il élaborait et révisait les Instructions générales comme celles de Deza en 1500 et de Valdès en 1561 ; à partir du troisième tiers du XVIe siècle, il conduisait l’activité des tribunaux par l’intermédiaire des cartas acordadas, sorte de circulaires élaborées et rédigées en conseil. Les tribunaux rendaient compte de leur activité en adressant au Conseil des relations de causes, résumés des procès, et en sollicitant fréquemment son arbitrage.

    Or, les membres du Conseil de la Suprême étaient nommés par le roi et deux membres du Conseil de Castille assistaient régulièrement aux sessions de l’après-midi. L’Inquisition est bien un élément essentiel de l’appareil d’État. Il reste à voir comment elle a appliqué la politique de la Couronne.

    Une police politique

    Il existe un épisode à propos duquel tout le monde est d’accord : celui d’Antonio Pérez. Personne en effet ne peut s’y tromper : en la circonstance l’Inquisition s’est mise intégralement au service de la Couronne. On sait que l’ancien secrétaire d’État de Philippe II. convaincu d’avoir mal servi son maître et de l’avoir trompé, notamment à propos du rôle de Don Juan d’Autriche aux Pays-Bas, coupable d’avoir organisé un assassinat avec l’assentiment tacite de Philippe II mais sur la foi d’informations fausses, avait alors été emprisonné ; puis, auteur d’une évasion rocambolesque, il s’était réfugié en Aragon, à l’abri des fueros du royaume, ce qui lui garantissait sinon l’impunité du moins un jugement en bonne et due forme et, puisqu’il était détenteur de secrets d’État, la possibilité d’un compromis.

    Or, Philippe II n’a pu tourner les fueros que par l’Inquisition, seule institution à exercer une autorité égale sur tous les royaumes d’Espagne. Le grand inquisiteur a fait forger de toutes pièces une accusation d’hérésie (pour un soi-disant blasphème) contre Antonio Pérez. Dès lors, le Saint-Office de Saragosse s’en fut le chercher à la prison civile pour le transférer dans la prison secrète de l’Inquisition. Antonio Pérez était de nouveau à la merci du roi.

    Je passe sur les détails de l’épisode qui soulignent le rôle du Saint-Office comme instrument politique, comme « arme absolue » de la monarchie dans les situations les plus difficiles. Je signalerai seulement qu’une part très importante de l’activité du tribunal de Saragosse, de 1591 à 1593, fut employée à poursuivre les responsables de l’émeute de 1591 qui permit la fuite en France d’Antonio Pérez, c’est-à-dire que le tribunal de Saragosse fut alors utilisé comme police politique. Mais il est préférable de mettre en valeur des faits moins connus : ils feront apparaître que l’épisode d’Antonio Pérez, pour être le plus spectaculaire, n’est pas isolé.

    Contre la « cinquième colonne » barbaresque

    L’Inquisition a joué le même rôle de police politique contre les morisques. Non contre les morisques en tant qu’hérétiques ou apostats mais comme danger politique, foyer de rébellion, cinquième colonne des Turcs et des Barbaresques. Dans les années 1525-1530 à Valence, puis dans les années 1570, enfin dans les années 1609-1614, cette fonction de l’Inquisition apparaît à l’évidence. Sur les courbes établies par Jaime Contreras et Gustav Henningsen on s’aperçoit que les causes de mahométisme à Saragosse représentent un pourcentage de 56,5 %pour l’ensemble de la période 1560-1614. Mais ce pourcentage est encore beaucoup plus élevé dans les années 1570, puis de 1609 à 1614. Et, surtout, la lecture des relations de causes est éclairante : il s’agit moins de pratiques et de cérémonies musulmanes que de détention d’armes ou de chevaux achetés aux passeurs français, surtout béarnais, et des rêves de revanche des morisques saisis par une sorte de messianisme musulman que l’arrivée des « Turcs » incarnerait.

    Toujours les années 1570. La flotte des galères de Méditerranée manque de rameurs au moment des grandes entreprises chrétiennes contre les Turcs. Qu’à cela ne tienne ! La Suprême commue systématiquement en peines de galères à vie les condamnations à mort infligées par les tribunaux inquisitoriaux pour cause d’hérésie, de sodomie ou de bestialité. Et les polygames en bon état se voient infliger régulièrement des peines de galères à temps.

    Considérons maintenant le début du XVIIe siècle. En 1604 est enfin signée la paix avec l’Angleterre et le rapprochement diplomatique avec Jacques Ier s’affirme. Aussitôt la Suprême élabore une carta acordada qui recommande aux juges de procéder avec beaucoup de ménagements contre les sujets anglais qui pourraient être poursuivis pour cause d’hérésie. Vérifions sur pièces le sort fait à cette instruction. Le tribunal de Séville est tout indiqué : de 1605 à 1612, les affaires concernant les Anglais (généralement des marins) sont régulièrement suspendues ; si l’affaire est malgré tout sérieuse, par exemple dans le cas d’une propagande protestante éclatante, l’accusé est finalement absous, au pire, tel Jérôme Yard d’Exeter, condamné à deux ans de formation religieuse dans la chapelle de San Lucar ! En 1609, après la proclamation de la Trêve de Douze Ans, la même tolérance s’appliquera aux Hollandais. Pendant ce temps les Français accusés des mêmes délits sont durement traités.

    Même époque. La monarchie de Philippe III n’en finit pas de calculer son déficit. Elle obtient en 1605 du pape un bref accordant aux juifs convertis d’origine portugaise un pardon général pour leurs errements moyennant le versement à la Couronne de 1 800 000 ducats. Belle somme ! Et s’ouvre pour les marranes[8] une large plage de tolérance. Olivarès a médité l’événement et, lorsqu’il accède au pouvoir à l’avènement de Philippe IV (1621), il s’appuie résolument sur le crédit des marranes en échange de sa protection. De fait, pendant une quarantaine d’années et à quelques exceptions près qui concernent des affaires trop spectaculaires, les inquisiteurs font preuve d’une mansuétude insolite envers les judaïsants. Mais, après la chute du comte-duc, le réveil sera brutal.

    Guerre de Succession : de 1702 à 1714 certains tribunaux poursuivent ceux qui ne reconnaissent pas Philippe V comme roi légitime. Révolution française, 1789. L’Inquisition est en pleine décrépitude et le pouvoir monarchique n’en fait plus grand cas. Cependant, devant le danger de contagion révolutionnaire, elle peut redevenir utile. Le gouvernement de Charles IV décide de nommer deux contrôleurs de livres dont un inquisiteur auprès de chaque bureau d’administration douanière.

    L’Inquisition et les contrebandiers

    Ce ne sont là que des exemples. On pourrait les multiplier, évoquer le rôle de l’Inquisition dans la surveillance des étrangers, qui n’a pas que des raisons religieuses ; ou les demandes de renseignements de l’administration royale aux tribunaux à propos de candidats à des emplois publics... Il faudrait surtout, travail à entreprendre, dresser un tableau synoptique des cartas acordadas et des grands faits de politique intérieure ou extérieure. Observons seulement aujourd’hui que les Espagnols étaient parfaitement conscients de l’insertion de l’Inquisition dans l’appareil d’État et, avec le temps, ils avaient fini par trouver cela normal. En 1606 la ville de Medina del Campo, centre commercial fort important, proposa de confier au Saint-Office la répression des évasions clandestines de monnaie et des cas de fausse monnaie ; en 1619 Sancho de Moncada, l’un des écrivains « politiques » les plus remarquables du XVIIe siècle, dont on vient de rééditer l’œuvre dans une luxueuse édition, demanda que l’Inquisition ait juridiction sur la contrebande des marchandises parce que la contrebande était une affaire d’État...

    Si au XVIIIe siècle, et surtout sous Charles III, donc dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, les hommes des Lumières, tenants convaincus du régalisme monarchique, deviennent de violents adversaires de l’Inquisition, tels Campomanes ou Jovellanos, c’est qu’elle est devenue à leurs yeux inutile et nuisible. Inutile parce que les gibiers traditionnels de l’institution ont disparu, parce que les tribunaux fonctionnent mal désormais et que les juges ne font plus très peur, enfin parce que l’État dispose d’autres moyens de contrôle social depuis la mise en place d’une véritable administration. Nuisible parce que l’image de marque de l’Inquisition en Europe, déjà façonnée par la Légende Noire, est désastreuse. Elle empêche de croire à la chance des Lumières en Espagne. Enfin, en raison de la différenciation croissante entre carrières d’Église et carrières d’État, elle est devenue un État dans l’État, un faisceau de privilèges que la raison d’État ne justifie plus.

    Tel est le premier problème mis en lumière par le renouvellement des études sur l’Inquisition, qui échappent enfin au climat de passion où elles baignèrent naguère : celui de la nature même de l’institution, que l’on avait prétendu résoudre à coups de textes sans prendre suffisamment garde aux circonstances, aux suggestions de la chronologie, enfin surtout aux hommes qui l’ont incarnée. Notre thèse sera sans doute discutée, voire mise en pièces. Mais il faudra à nos contradicteurs éventuels beaucoup de travail pour y parvenir.

     

    1. L'ouvrage d'Henry Charles Lea, A History of the Inquisition of Spain, qui date de 1905-1907, a été réédité en 1966 dans les American Scholar Publications, New York, 4 vol. Quant au livre d'Henry Kamen, Histoire de l'Inquisition espagnole, Albin Michel, 1966, trad. de l'anglais, il constitue une mise au point claire et commode mais les publications relatives à l'Inquisition se sont accumulées depuis douze ans et il est maintenant quelque peu dépassé.

     

    2. Louis Sala-Molins, Le Manuel des Inquisiteurs, Paris, EPHESS et Mouton, 1973, pp. 18-25.

     

    3. On appelle conversos ou confesos les juifs espagnols convertis au catholicisme.

     

    4. Fueros, c'est-à-dire privilèges politiques ou juridiques appartenant à une région, une ville, une catégorie sociale ou professionnelle.

     

    5. Sur Adrien VI, voir, dans le n° 7 de L'Histoire, décembre 1978, l'article de Robert Delort, « Adrien VI, dernier pape non italien ».

     

    6. Jean-Marc Pelorson, Les Letrados juristes castillans sous le règne de Philippe III, Thèse, Bordeaux, 1978 (exemplaire dactylographié, 4 tomes). Les letrados étaient les diplômés des universités qui ont joué un grand rôle dans le gouvernement des Espagnes aux XVIe et XVIIe siècles.

     

    7. Julio Caro Baroja, El Senor inquisidory otras vidas por oficio, Madrid, 1968, Alianza Editorial. Cinquante pages (pp. 14-63) très suggestives à propos de la personnalité et des carrières des inquisiteurs.

     

    8. Marrano signifie porc en espagnol. L'appellation de marrane appliquée aux juifs convertis d'origine portugaise était donc particulièrement insultante.

     

    D'UN INQUISITEUR GÉNÉRAL À L'AUTRE...

    . Tomas de Torquemada : Ce dominicain symbolise à lui seul l'Inquisition et il a beaucoup contribué à la naissance de la Légende Noire qui met à mal la vérité historique. Nommé inquisiteur de Séville en 1482, Torquemada devint dès 1483 le premier grand inquisiteur général pour la Castille et !'Aragon et il le resta jusqu'en 1498. D'une impitoyable rigueur, il inspira ou rédigea les lnstructions de 1484 qui réglèrent la procédure inquisitoriale, beaucoup plus sévère que la médiévale... Il déploya une grande activité, parcourant le pays en tous sens afin de stimuler le zèle des inquisiteurs. Il faut cependant rejeter les affirmations de Llorente, qui lui attribue 8 800 condamnations à mort dont 1 200 au seul autodafé de Tolède en 1487. Ces chiffres sont très exagérés. La figure de Torquemada a inspiré les artistes et les écrivains (cf. le drame de Victor Hugo).

     

    . Ramon José de Arce : Inquisiteur général de 1797 à 1808. L'institution agonise ou presque et cet inquisiteur général est inattendu : créature du favori Godoy dont il partage les aventures amoureuses, il devient l'amant préféré de la brillante marquise de Mejorada. On prétend même qu'il fut franc-maçon ! A la fin du XVIIIe siècle l'Inquisition n'avait plus grand-chose de commun avec le redoutable tribunal de Torquemada.

     

     

     

    SIX SIÈCLES D'INQUISITION

    Le mot inquisition signifie recherche, enquête. La connotation péjorative, évoquant l'arbitraire, est venue de l'institution.

     

    L'Inquisition médiévale, résultat de la croisade contre les cathares, a été créée à Toulouse en 1229 afin de poursuivre les hérétiques. Trois bulles du pape Grégoire IX, de 1231 à 1233, ont donné un statut à l'Inquisition qui a été alors introduite dans de nombreux pays de l'Occident chrétien. C'est ainsi qu'elle est apparue dans le royaume d'Aragon en 1237.

     

    L'Inquisition espagnole est née de la bulle du pape Sixte IV du 1er novembre 1478, sur la demande précise des rois catholiques, Ferdinand d'Aragon et Isabelle de Castille, afin de mener une répression efficace des juifs convertis au catholicisme et qui continuaient à judaïser en secret. Devenue un tribunal commun à tous les royaumes d'Espagne, l'Inquisition poursuit progressivement de nouvelles catégories de délinquants, qu'ils contreviennent aux dogmes ou à certains aspects de la morale catholique.

     

    Abolie une première fois en janvier 1813 par les Cortès de Cadix, l'Inquisition, rétablie par la Restauration en 1814, fut définitivement supprimée par un décret du 15 juillet 1834.

     

     

     

    LES VICTIMES DE L'INQUISITION

    La mort : elle n'a frappé qu'une petite partie des victimes de l'Inquisition qui a infligé bien d'autres peines : la prison à temps ou à vie, les galères à temps ou à vie, les confiscations de biens partielles ou totales, les bannissements, les coups de fouet, les pénitences spirituelles enfin, sans oublier le port du sanbenito, tunique jaune infamante...

     

    Combien d'exécutions capitales ? 80 à 90 % de ces exécutions ont eu lieu avant 1530 et ce sont les juifs qui en ont été victimes.

     

    Seul le tribunal de Valence a fait l'objet d'une étude complète et scientifique. Sur 1 842 personnes jugées avant 1530 et dont on connaît de façon certaine le sort, 754 ont été exécutées, soit 41 %. Le tribunal de Séville aurait été encore plus sévère, les autres moins. Au total plusieurs milliers de victimes sont alors montées sur les bûchers, environ 5 000, presque toutes judaïsantes.

     

    De 1530 à 1560 la rigueur s'est beaucoup relâchée sans qu'il soit possible de calculer le nombre et le pourcentage des exécutions par rapport à celui des procès.

     

    De 1560 à 1700 nous disposons de toutes les sentences, environ 50 000. La peine de mort est devenue exceptionnelle, 1 % d'exécutions effectives, soit quelque 500 pendant cette période.

     

    Enfin, après 1700 on ne compte plus guère que 100 à 200 exécutions effectives dont la moitié pendant les années 1721-1725.

     

    Après 1530 apparaissent de nouvelles catégories de victimes : morisques, protestants, homosexuels, coupables de bestialité, mais les judaïsants sont encore parmi les victimes, de 1640 à 1660 et de 1721 à 1725 surtout.

     

    Cliquez ici pour revenir à l'article.

     

    POUR EN SAVOIR PLUS

    Si vous lisez l'anglais et si vous êtes prêt(e) à une lecture de longue haleine :

     

    Henry Charles Lea, A History of the Inquisition of Spain, New York, 1905-07, 4 vol., réédition, American Scholar Publications, 1966. L'ouvrage le plus complet mais parfois vieilli.

     

    Si vous lisez l'espagnol :

     

    Historia 16, "La Inquisicion", Numéro spécial, Madrid, décembre 1976. Un carrefour d'articles de qualité rédigés par les meilleurs spécialistes. La revue Historia 16 bénéficie d'une importante diffusion.

     

    Ricardo Garcia Carcel, Origenes de la Inquisicion espanola. El tribunal de Valencia, 1478-1530, Barcelone, Ed. Peninsula, 1976. Une étude très remarquable, la première que l'on possède sur l'histoire d'un tribunal. De plus l'auteur a rédigé en introduction un excellent essai sur l'historiographie de l'Inquisition.

     

    En français :

     

    Henry Kamen, Histoire de l'Inquisition espagnole, Paris, Albin Michel, trad. de l'anglais, 1965, 338 p. Un bon livre, clair et complet... à la date de sa publication.

     

     

    Louis Sala-Molins, Le Manuel des Inquisiteurs, introduction, traduction et notes de L. Sala-Molins, Paris, Ed. Mouton, 1973, 249 p. Il s'agit du texte de l'inquisiteur catalan Nicolau Eymerich (1376), repris et commenté par l'inquisiteur castillan Francisco Pena (1578). Il est important de disposer de ce texte dans une édition commode. Nous ne partageons pas toutes les opinions du traducteur et commentateur mais elles ouvrent une discussion stimulante.


  • A cause du scandale des indulgences,le moine Luther a créé le protestantisme.

    En effet,c'est en payant des aumônes tarifiées,que le pape,via les dominicains,promettait l'effacement des pires péchés  et la montée post mortem,au paradis.L'Eglise s'est considérablement enrichie à cause de ce trafic.

    Voici ci-dessous,un exemple de cette pratique.

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    Les indulgences du Pape vendues par Tetzel

    Indulgences Tetzel

     

    Nous sommes en Allemagne au début du XVIème siècle. Une grande agitation régnait alors parmi le peuple. L'Eglise avait ouvert un vaste marché sur la terre. A la foule des clients, aux cris et aux plaisanteries des vendeurs, on aurait dit un marché ou une foire, mais c'était un marché tenu par des moines! La marchandise qu'ils présentaient et qu'ils offraient à bon prix, c'était, disaient-ils, des indulgences pour le salut des âmes.

    Les marchands d'indulgences parcouraient le pays dans une belle voiture, accompagnés de trois cavaliers, menant grande vie et faisant de fortes dépenses. On aurait dit un prince en tournée, avec sa suite et ses officiers, et non un vulgaire marchand. Quand le cortège s'approchait d'une ville, un envoyé se rendait auprès des autorités: "La grâce de Dieu et du saint Père le Pape est devant vos portes" disait l'envoyé. Aussitôt c'était le branle-bas dans l'endroit. Le clergé, les prêtres, les nonnes, les maîtres d'école, les étudiants, les corps de métier avec leurs drapeaux, hommes et femmes, jeunes et vieux, allaient à la rencontre des marchands, tenant en main des cierges allumés, s'avançant au son de la musique et de toutes les cloches, « de manière, dit un historien, que l'on n'aurait pu recevoir plus grandement Dieu lui-même.» Les salutations faites; tout le cortège se dirigeait vers l'église. La bulle de grâce du Pape était portée en tête sur un coussin de velours, ou sur un drap d'or. Le chef des marchands d'indulgences venait ensuite, tenant en mains une croix rouge en bois. Toute la procession cheminait ainsi au milieu des chants, des prières et de la fumée des parfums. Le son des orgues et une musique retentissante recevaient dans l'église la procession, la croix qu'il portait était placée devant l'autel: on y suspendait les armoiries du Pape, et pendant tout le temps qu'elle demeurait là, les membres du clergé du lieu venaient chaque jour, lui rendre honneur, en portant à la main de petits bâtons blancs. Cette grande affaire excitait une vive sensation dans les tranquilles cités germaniques. Un personnage attirait surtout l'attention des spectateurs dans ces ventes. C'était celui qui portait la grande croix rouge et qui était chargé du rôle principal. Revêtu de l'habit des dominicains, il se présentait avec arrogance. Sa voix était retentissante, et il semblait encore plein de force, quoiqu'il eût déjà atteint sa soixante-troisième année. Cet homme, fils d'un orfèvre de Leipzig nomme Diez, s'appelait Jean Diezel ou Johann Tetzel. Il appartenait à l'ordre des dominicains. Bachelier en théologie, prieur des dominicains, commissaire apostolique, inquisiteur, haereticoe pravitatis inquisitor, il n'avait cessé, depuis l'an 1502, de remplir l'office de marchand d'indulgences. L'habileté qu'il avait acquise comme subordonné l'avait bientôt fait nommer commissaire en chef. Il gagnait quatre-vingt florins par mois ; tous ses frais étaient payés; on lui fournissait une voiture et trois chevaux ; mais ses gains accessoires, on le comprend sans peine, dépassaient de beaucoup son traitement. En 1507, il gagna en deux jours, a Freiberg, deux mille florins. S'il avait les fonctions d'un charlatan, il en avait aussi les moeurs. Convaincu à Innsbruck d'adultère et de conduite immorale, il fut près d'expier ses vices par sa mort. L'empereur Maximilien avait ordonné qu'il soit mis dans un sac et jeté à la rivière. L'électeur Frederic de Saxe étant intervenu, il obtint sa grâce. Mais la leçon qu'il avait reçue ne lui avait pas profité. Il menait avec lui deux de ses enfants (NDLR: adultérins. les moines faisant voeu de chasteté). Millitz, légat du Pape, cite ce fait dans une de ses lettres. Il aurait été difficile de trouver dans tous les cloîtres de l'Allemagne un homme plus propre que lui au commerce d'indulgences dont on le chargea. A la théologie d'un moine, au zèle et à l'esprit d'un inquisiteur, il unissait la plus grande effronterie; et ce qui lui facilitait surtout sa tâche, c'était l'art d'inventer de ces histoires bizarres par lesquelles on captive l'esprit du peuple. Tout moyen lui était bon pour remplir sa caisse. Enflant la voix, il offrait à tout venant ses indulgences, et savait mieux qu'aucun marchand de foire faire valoir sa marchandise. Quand la croix avait été dressée et que les armes du Pape y étaient suspendues, Tetzel montait en chaire, et d'un ton assuré il se mettait à exalter la valeur des indulgences, en présence de la foule que la cérémonie avait attirée dans le lieu saint. Le peuple crédule écoutait, et ouvrait de grands yeux à l'ouïe des vertus admirables qu'il annonçait. Ecoutons une des harangues qu'il prononçait:

     

    "Les indulgences, dit-il, sont le don le plus précieux et le plus sublime de Dieu. Cette croix (en montrant la croix rouge) a autant d'efficace que la croix même de Jésus-Christ.

    Venez, et je vous donnerai des lettres munies de sceaux (les indulgences), par lesquelles les péchés mêmes que vous auriez envie de faire, à l'avenir, vous seront tous pardonnés, Je ne voudrais pas échanger mes privilèges contre ceux de saint Pierre dans le ciel; car j'ai sauvé plus d'âmes par mes indulgences, que l'apôtre par ses discours. Il n'y a aucun péché si grand que l'indulgence ne puisse le remettre; et même, si quelqu'un, ce qui est impossible sans doute, avait fait violence a la sainte Vierge Marie, mère de Dieu, qu'il paye bien seulement, et cela lui sera pardonné (Tetzel défend et maintient cette assertion dans ses antithèses, publiées la même année. Th. 99, 100 et 101.). La repentance n'est pas même nécessaire. Mais il y a plus: les indulgences ne sauvent pas seulement les vivants, elles sauvent aussi les morts. Prêtre! Noble! Marchand! Femme! Jeune fille! Jeune homme! Entendez vos parents et vos proches qui sont morts et qui vous crient du fond de l'abîme : "Nous endurons un horrible martyre! Une petite aumône nous délivrerait ; Vous pouvez la donner, et vous ne le voulez pas!" On frémissait à ces paroles prononcées par la voix formidable du moine charlatan. A l'instant même, continuait Tetzel, Que la pièce de monnaie retentit au fond du coffre-fort, l'âme part du purgatoire et s'envole délivrée dans le ciel (Voir thèse 27 de Martin Luther). O gens imbéciles et presque semblables aux bêtes, qui ne comprenez pas la grâce qui vous est si richement présentée!... Maintenant le ciel est partout ouvert !... Refuses-tu à cette heure d'y entrer? Quand donc y entreras-tu ? ... Maintenant tu peux racheter tant âmes! Homme dur et inattentif! Avec douze gros (gros=pièce de monnaie) tu peux tirer ton père du purgatoire, et tu es assez ingrat pour ne pas le sauver! Je serai justifié au jour du jugement mais vous, vous serez punis d'autant plus sévèrement, pour avoir négligé un si grand salut. Je le déclare, quand tu n'aurais qu'un seul habit, tu serais obligé de l'ôter et de le vendre, afin d'obtenir cette grâce... Le Seigneur notre Dieu n'est plus Dieu. Il a remis tout pouvoir au Pape. 

    Puis, cherchant à faire usage d'autres armes encore, il ajoutait : Savez-vous pourquoi notre très-saint Seigneur distribue une si grande grâce? II s'agit de relever l'église détruite de Saint-Pierre et Saint-Paul, en sorte qu'elle n'ait pas sa pareille dans l'univers (NDLR: Michel Ange était en train de décorer les plafonds de la chapelle Sixtine). Cette église contient les corps des saints apôtres Pierre et Paul et ceux d'une multitude de martyrs. Ces corps saints, par l'état actuel de l'édifice, sont maintenant, hélas continuellement battus, inondés, souilles, déshonores, réduits en pourriture par la pluie, par la grêle... 

    Ah! ces cendres sacrées resteront-elles plus longtemps dans la boue et dans l'opprobre? » Cette description ne manquait pas de faire impression sur plusieurs. On brûlait du désir de venir à l'aide du pauvre Pape Léon X, qui n'avait pas de quoi mettre à l'abri de la pluie les corps de saint Pierre et de saint Paul. Alors l'orateur s'élevait contre les ergoteurs et les traîtres qui s'opposaient à son oeuvre : "Je les déclare excommuniés!" s'écriait-il. Ensuite, s'adressant aux âmes dociles, et faisant un usage impie de l'Ecriture: «Bienheureux sont les yeux qui voient ce que vous voyez, car je vous dis que plusieurs prophètes et « plusieurs rois ont désiré voir les choses que vous voyez, et ils ne les ont pas vues, et d'entendre les choses que vous entendez, et ils ne les ont point entendues! s'écriait-il. Et pour terminer, montrant le coffre-fort où l'on recevait l'argent, il concluait d'ordinaire son pathétique discours, en adressant à trois reprises au peuple cet appel : Apportez (l'argent)! Apportez! Apportez!

     

    vente indulgences (Tetzel vs Luther)

    II criait ces mots avec un si horrible beuglement, écrit Luther, qu'on aurait dit un taureau furieux qui fondait sur les gens et les frappait de ses cornes. Quand son discours était fini, il descendait de chaire, courait vers la caisse, et, en présence de tout le peuple, y jetait une pièce d'argent, qu'il avait soin de faire sonner bien fort. Tels étaient les discours que l'Allemagne étonnée entendait aux jours où Dieu préparait Luther. 

    Le discours termine, on se pressait en foule vers les confesseurs. On venait, non pas avec des coeurs contrits d'avoir péché, mais avec une pièce de monnaie dans la main acheter une indulgence. Hommes, femmes, petits, pauvres, ceux même qui vivaient d'aumônes, chacun trouvait de l'argent. Les moines, après avoir expose de nouveau a chacun en particulier la grandeur de l'indulgence, adressaient aux pénitents cette demande : « De combien d'argent pouvez-vous en conscience vous priver pour obtenir une si parfaite rémission? » Cette demande, dit l'instruction de l'archevêque de Mayence aux commissaires, cette demande doit être faite dans ce moment, afin que les pénitents soient disposés au mieux à contribuer. 

    Du reste, c'étaient toutes les dispositions requises. Tetzel et ses compagnons se gardaient bien de faire mention de repentance du coeur et de confession de la bouche: leur bourse serait restée vide. L'instruction archiépiscopale défendait même de parler de conversion ou de contrition. La grâce que nous vous annonçons, disaient les commissaires, d'après la lettre de leur instruction, est le pardon complet de tous les péchés : et on ne peut rien nommer de plus grand.

     

    Pour les péchés particuliers Tetzel avait des tarifs spéciaux d'indulgence: l'autorisation de polygamie se payait six ducats, le meurtre huit ducats, la magie, deux ducats.

     

    Voici une de ces lettres d'indulgence (ou d'absolution), il vaut la peine de connaître le contenu de ces diplômes qui furent l'occasion de la réforme de l'Eglise.

     

    Que Notre Seigneur Jésus-Christ ait pitié de toi, et t'absolve par les mérites de sa très-sainte passion! Et moi, en vertu de la puissance apostolique, qui m'a été confiée, je t'absous de toutes les censures ecclésiastiques, jugements et peines que tu as pu mériter; de plus, de tous tes excès, péchés et crimes que tu as pu commettre, quelque grands et énormes qu'ils puissent être et pour quelque cause que ce soit, fussent-ils même réservés a notre très-saint Père le Pape et au siège apostolique, J'efface toutes les taches d'inhabilite « et toutes les notes d'infamie que tu aurais pu l'attirer à cette occasion, Je te remets les peines que tu aurais du endurer dans le purgatoire. Je te rends de nouveau participant des sacrements de l'Eglise. Je t'incorpore derechef dans la communion des saints, et je te retablis dans l'innocence et la pureté dans laquelle tu as été à l'heure de ton baptême. En « sorte qu'au moment de ta mort, la porte par laquelle on entre dans le lieu des tourments et des peines te sera fermée, et « qu'au contraire la porte qui conduit au paradis de la joie te sera ouverte. Et si tu ne devais pas bientôt mourir, cette grâce demeurera immuable jusqu'au temps de ta fin. Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen: « Frère JEAN TEZEL, commissaire, l'a signé de sa propre main. »

    indulgence de Tetzel

    Avec quelle habileté des paroles présomptueuses et mensongères sont ici intercalées entre des paroles saintes et chrétiennes! Tous les fidèles devaient venir se confesser dans le lieu même où la croix rouge était plantée. Il n'y avait d'exception que pour les malades, les vieillards et les femmes enceintes.

     

    Mais ces grossiers abus des indulgences amenaient certains à la connaissance du Dieu d'amour et de grâce. Econduit par les marchands d'indulgences qu'il ne pouvait payer, le jeune Myconius sentait en lui un consolateur qui lui disait qu'il y avait un Dieu dans le ciel qui pardonnait sans argent et sans prix, aux âmes repentantes pour l'amour de son fils Jésus-Christ. Ecoutons son témoignage:

     

    Comme je quittais les marchands d'indulgences, le Saint-Esprit toucha mon cœur. Je fondis en larmes, et je priai le Seigneur avec sanglots : O Dieu ! m'écriai-je, puisque ces hommes m'ont refuse la rémission de mes péchés, parce que je manquais d'argent pour la payer, toi, Seigneur, aie pitié de moi et remets les moi par pure grâce! Je me rendis dans ma chambre. Je ne saurais pas décrire ce que j'éprouvai. Je demandai à Dieu d'être mon père et de faire de moi tout ce qu'il lui plairait. Je sentis ma nature changée, convertie, transformée. Ce qui me réjouissait auparavant devint pour moi un objet de dégoût. Vivre avec Dieu et lui plaire était mon plus ardent, mon unique désir.

     

    Ainsi Tetzel préparait lui-même la reformation. par de criants abus il frayait la voie a une doctrine plus pure et l'indignation qu'il excitait devait éclater un jour avec puissance. On en peut juger par l'anecdote suivante.

     

    Un gentilhomme saxon, qui avait entendu Tetzel a Leipzig, avait été indigné de ses mensonges. Il s'approche du moine et, lui demande s'il a le droit de pardonner les péchés qu'on a l'intention de commettre. Assurément, répond Tetzel, j'ai reçu pour cela plein pouvoir du Pape. Eh bien! reprend le chevalier, je voudrais exercer sur I'un de mes amis une petite vengeance, sans porter atteinte à sa vie. Je vous donne dix écus si vous voulez me remettre une lettre d'indulgence qui m'en justifie pleinement. Tetzel fit quelques difficultés : ils tombèrent cependant d'accord de la chose, moyennant trente écus. Bientôt après, le moine part de Leipzig. Le gentilhomme, accompagné de ses valets , l'attendait dans un bois entre Jiiterbock et Treblin; il fond sur lui, lui fait donner quelques coups de bâton et enlève la riche caisse des indulgences que l'inquisiteur emportait avec lui. Tetzel crie à la violence et porte plainte devant les tribunaux. Mais le gentilhomme montre la lettre que Tetzel a signée lui-même , et qui l'exempte a l'avance de toute peine.. Le duc George, que cette action avait d'abord fort irrité, ordonna, a la vue de cet écrit, qu'on renvoyât l'accusé absous.

     

     

    D'après Histoire de la Réformation (tome 1), Merle d'Aubigné


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     Génocide des cathares et crimes contre l’humanité perpétrés dans le Languedoc au 13ème siècle par l'église catholique

     

    mercredi 2 janvier 2019.

    Source : Jacques Serieys 

     

    1) La croisade organisée par le pape Innocent III sur les terres languedociennes au début du 13ème siècle a prémédité, mis en pratique, de façon planifiée, de façon systématique, sur un critère idéologique et religieux, l’extermination de la totalité des cathares en tant que groupe humain : cela s’appelle évidemment un génocide parfait. Plusieurs historiens ont avancé un nombre de victimes de l’ordre d’un million, d’autres l’évaluent plutôt à une centaine de milliers. Il s’agit bien d’un crime de masse. La phrase "Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens", prononcée par le légat du pape correspond à la mentalité générale des croisés et symbolise une volonté génocidaire. Le quatrième concile œcuménique du Latran en 1215 a confirmé très officiellement cette logique génocidaire, particulièrement en établissant des tribunaux et l’essentiel de la procédure pour juger les hérétiques, embryon de la future inquisition.



    Je suis très sensible à cette question parce que mon village aveyronnais fut cathare à l’époque et fit partie des bourgs où la répression fut la plus systématique et la plus longue. Le château du 12ème dresse toujours ses deux tours et j’aime dormir, par héritage et par défi, dans une porte fortifiée de l’époque



    2) Pourquoi l’Eglise a-t-elle organisé ce génocide ?



    * L’extermination des apostats et hérétiques faisait indiscutablement partie de l’héritage canonique transmis par les Pères de l’Eglise. Le pape pouvait se référer par exemple à l’attitude de Saint Augustin, à ses textes vis à vis des donatistes d’Afrique du Nord aux 4ème et 5ème siècles. Sur ce point, je n’incrimine pas plus le christianisme que l’Islam ou la religion juive ; les trois se fondent pour partie sur un terreau idéologique monothéiste qui laissera toujours place à des objectifs théocratiques et totalitaires.



    * L’Eglise s’était développée sur la fin de l’Empire romain dans un contexte d’affaiblissement des notions de droit dont elle avait profité pour imposer son monopole idéologique, monopole qu’elle tenait à sauvegarder coûte que coûte.



    * L’hérésie cathare se développait assez rapidement sur la fin du 12ème siècle, début du 13ème, en particulier dans le Midi occitan languedocien. La prédication comme les bûchers de petits groupes avaient montré leurs limites. Or, l’Eglise produit à ce moment-là un grand nombre d’articles en droit canonique dont le fondement est raciste et totalitaire ; l’Eglise cherche à protéger la pureté raciale et religieuse de sa communauté. L’exemple le plus connu est cette décision du douzième concile oecuménique " Des Chrétiens ont des rapports sexuels avec des femmes juives ou sarrasines. De façon que le crime d’un tel mélange maudit ne puisse plus avoir d’excuse dans le futur, nous décidons que les Juifs et les Sarrasins des deux sexes, dans toutes les terres chrétiennes, se distinguent eux-mêmes publiquement des autres peuples par leurs habits". Les cathares ne bénéficieront pas d’un traitement seulement symbolique puisqu’ils seront exterminés de façon planifiée, jusqu’au dernier.



    * Aucune religion organisée ne survit indépendamment de ses moyens économiques. Or, dans le Languedoc, les intérêts économiques et le rôle politique de l’Eglise étaient, me semble-t-il, plus inquiétés qu’ailleurs en raison d’une part de Communes urbaines à la démocratie assez avancée, d’autre part d’une résistance de petits féodaux à l’ambition de terres, d’argent et de pouvoir du clergé. Surtout, une partie de ces petits féodaux trouvaient dans le catharisme une justification idéologique et un allié face à l’Eglise ; cette confluence menaçait évidemment la place dominante du clergé au sein du mode de production féodal.



    3) L’Eglise ne s’est pas limitée au génocide des cathares. Elle a organisé l’écrasement des terres du Languedoc. Elle a fourni les forces nécessaires pour en assurer la conquête. Pourquoi ?



    C’est elle qui a prêché sans cesse, organisé sans cesse une rotation de renforts venus d’une bonne partie de l’Europe occidentale pour prendre Béziers, puis Carcassonne puis Lavaur, puis Toulouse... Ce faisant, elle a laissé, de fait, la croisade évoluer en une guerre de conquête et de sociocide (anéantissement d’une société).



    De nombreux prélats ont joué un rôle important, y compris dans la constitution et la direction de troupes. Il fallait pour cela des raisons profondes.



    1) Il est probable qu’Innocent III a cru possible au début du XIIIème siècle de se tailler un vaste territoire vassal du Saint Siège dans le Languedoc.



    2) La fonction sociale, l’idéologie et les intérêts de l’Eglise du Moyen Age sont inextricablement liés à la hiérarchie féodale. Or, le processus d’émancipation collective en cours dans de nombreuses villes du Languedoc menace le clergé plus qu’ailleurs. Dans ces communes assez laïcisées, face à des parfaits cathares qui ne cherchent pas à diriger ou contrôler la société mais seulement à lui apporter l’Evangile, le clergé est objectivement menacé. Aussi, la papauté a déjà organisé une croisade contre la commune de Montpellier au XIIème en l’absence de tout hérétique. Lorsque les croisés papaux arrivent devant Béziers en 1209, cette ville leur fait savoir qu’elle n’acceptera aucun accord qui "puisse entraîner un changement quelconque dans le gouvernement de leur ville". Lorsque ces mêmes croisés papaux approchent de Toulouse en 1211, cette commune en plein développement économique craint surtout une main mise féodale et choisit de se défendre les armes à la main.



    La puissance sociale et politique de l’Eglise connaît au début du XIIIème siècle son zénith. La papauté essaie d’imposer une forme de théocratie européenne. Les rois d’Aragon, de Bulgarie, du Portugal puis d’Angleterre se reconnaissent vassaux du pape. Innocent III se comporte en arbitre de toute la féodalité. Il mène en même temps une lutte déterminée contre les processus d’émancipation démocratique dans les villes. Or, l’existence en Languedoc, à la fois d’une contestation idéologique forte et de traditions urbaines assez démocratiques, menaçait cette puissance et cet objectif théocratiques.



    Face à des parfaits cathares essayant de pratiquer une Evangile de respect d’autrui, de respect de la vie, de solidarité, d’enseignement... le clergé romain n’avait aucune chance, à long terme, de l’emporter sans faire brûler ses opposants et sans briser le contexte social de moins en moins féodal dans lequel cette hérésie s’était développée.



    4) Une fois la croisade lancée, l’Eglise a couvert les agissements de groupes ayant des intérêts privés dans l’écrasement de toute la civilisation occitane.



    Quels groupes ?



    * d’une part une fraction du clergé ( le légat du pape Arnaud-Amaury, des prédicateurs comme Foulques, Thédise, Saint Dominique...) qui voulait aller jusqu’au bout dans l’extermination des cathares et l’anéantissement de la civilisation occitane.



    Des appréciations conjoncturelles différentes sont apparues à certains moments entre tel ou tel prélat et même entre le pape et ses légats au sein de la croisade. Cependant, ces derniers ont toujours fait prévaloir, en fin de compte, leur volonté jusqu’au-boutiste.



    Toute religion produit un pourcentage élevé de fous furieux prêts à tout pour imposer leur croyance ; ce pourcentage est d’autant plus fort parmi les professionnels de la religion concernée, parmi les personnes dont la survie économique et le statut social dépend fortement du rôle de la religion, surtout à l’époque de la féodalité européenne, mode de production dans lequel l’Eglise romaine disposait d’un monopole idéologique.



    * d’autre part des féodaux comme Simon de Montfort qui construisent leur carrière et celle de leurs enfants en dépossédant des féodaux occitans pourtant inattaquables quant à leur foi chrétienne romaine.



    * enfin de nombreux aventuriers mercenaires alléchés par les combats, le butin et les tueries



    5) On ne peut évidemment exclure les rois de France de cette responsabilité



    Au début de la croisade, ils ont seulement donné la permission à leurs vassaux d’y participer mais peu à peu, ils vont y jouer un rôle plus important jusqu’au moment où ils vont en devenir les principaux bénéficiaires.



    Jacques Serieys


  • Ces bouffons,la plupart pédophiles ou pédérastes,se prennent pour Dieu le Père.

     

     

     

     

     

                                                       Résultat de recherche d'images pour "caricatures de curés"

     

     

     


  •  Vigi-Sectes

     

    Historique

    L’Opus Dei (Œuvre de Dieu) a été fondé en 1928 par le prêtre catholique romain espagnol Josémaria Escrivá de Balaguer y Albas (1902 – 1975). Il a obtenu un doctorat en Théologie à l’Université du Latran. Il a été nommé consulteur de deux congrégations vaticanes, membre honoraire de l’Académie Pontificale de Théologie et prélat d’honneur du Pape1. Il a fait une entorse à sa “modestie” en sollicitant du Général Franco le titre de marquis de Peralta qu’il a obtenu en 19682. Il est l’auteur du livre “Chemin” (1934), composé de 999 maximes, qui est la clé de voûte de l’idéologie du mouvement3. L’ouvrage a été publié à près de 4.500.000 exemplaires en 43 langues4.

     

    Josémaria Escrivá attribue la fondation de l’Opus Dei à une “révélation” divine reçue le 2 octobre 1928:

     

    « Il y a trois ans jour pour jour que, dans le couvent des missionnaires de saint Vincent de Paul, je mis un certain ordre dans les notes éparses que je prenais jusqu’alors (j’ai reçu à ce moment l’illumination sur l’ensemble de l’Œuvre pendant que je lisais ces papiers. Ému, je me suis agenouillé – j’étais seul dans ma chambre, entre deux causeries, – j’ai remercié le Seigneur et je me rappelle avec émotion le carillon des cloches de la paroisse de Notre-Dame des Anges). Depuis ce jour-là, l’âne galeux s’est rendu compte de la belle et lourde charge que le Seigneur, dans sa bonté inexplicable, avait mise sur ses épaules. Ce jour-là, le Seigneur a fondé son Œuvre: dès lors, j’ai commencé à fréquenter des laïcs, étudiants ou non, mais jeunes. Et à former des groupes. Et à prier et à faire prier. Et à souffrir…5“

     

    Le mouvement de l’Opus Dei a été approuvé par Pie XII en 1950. Le pape Jean-Paul II en a fait une prélature personnelle en 1982. Son prélat est, depuis 1994, l’évêque espagnol Javier Echevarria Rodríguez, né en 1932, ancien secrétaire du fondateur. Docteur en droit civil et en droit canonique, il est consulteur de la Congrégation pour les causes des saints et consulteur de la Congrégation pour le clergé6.

     

    La prélature personnelle est une “circonscription ecclésiastique, prévue par le Concile Vatican II, décret «Presbyterorum ordinis» et par le Droit Canonique pour permettre de mener à bien des tâches pastorales particulières. Elle n’est pas circonscrite à un territoire comme les diocèses”7.

     

    « La Prélature de l’Opus Dei est une structure juridictionnelle appartenant à l’organisation pastorale et hiérarchique de l’Église. Tout comme les diocèses, les prélatures territoriales, les vicariats, les ordinariats militaires, etc., elle possède son autonomie propre et une juridiction ordinaire, qui lui permettent de réaliser sa mission au service de l’Église universelle.

     

    C’est pourquoi elle dépend de façon immédiate et directe du Souverain Pontife, par l’intermédiaire de la Congrégation pour les évêques. Le pouvoir du prélat s’étend à tout ce qui concerne la mission spécifique de la prélature… Selon les dispositions de la loi générale de l’Église et du droit particulier de l’Opus Dei, les diacres et les prêtres incardinés dans la prélature appartiennent au clergé séculier et sont pleinement sous la juridiction du prélat » 8.

     

    L’Opus Dei ne dépend donc pas des évêques diocésains locaux, mais directement du “pape”, ce qui lui donne une liberté de manœuvre beaucoup plus grande9.

     

    L’Opus est actuellement la seule prélature personnelle existante10. Il a été question d’attribuer le même statut à la Fraternité Saint Pie X de l’évêque Marcel Lefebvre11, mais, faute d’un accord doctrinal, le projet semble abandonné.

     

    Le fondateur a été béatifié par Jean-Paul II en 1992 et le décret concernant les miracles attribués à son intercession a été promulgué en présence du Pape le 20 décembre 2001. Il a donc été canonisé (déclaré saint) le 6 octobre 2002 en présence d’une foule de 350 000 personnes, dont 400 cardinaux et évêques.

     

    Statistiques et situation actuelle 12

    Les effectifs mondiaux de l’Opus Dei s’élèvent à environ 90 000 membres, dont 2.051 prêtres répartis dans 61 pays. La répartition par continent est la suivante: Afrique: 1.800, Asie et Océanie: 4.800, Amérique: 29.400, Europe: 49.000.

     

    L’Opus Dei s’est implanté en France en 1947. Ses effectifs y sont d’environ 1.900 fidèles et coopérateurs, dont 28 prêtres13. Son arrivée en Suisse date de 1956 et en Belgique de 1965. En Belgique les opusiens sont au nombre de 30014.

     

    Il existe quatre sortes de membres dans l’Opus Dei:

     

    les numéraires:

    prêtres, hommes ou femmes célibataires, qui vivent en communauté et sont les dirigeants.

     

    les numéraires auxiliaires:

    des femmes15 chargées des tâches domestiques dans les centres du mouvement. Elles représentent 5% des membres.

     

    les agrégés:

    Célibataires qui vivent dans leur famille. Les numéraires et les agrégés totalisent 30% des effectifs.

     

    les surnuméraires:

    laïcs mariés: 65% des membres16.

     

    Les coopérateurs:

    Ce sont « des catholiques, des chrétiens d’autres confessions, et des croyants d’autres religions », et même des athées. Ce sont « des hommes et des femmes qui, sans faire partie de la Prélature de l’Opus Dei, se joignent aux fidèles de la prélature pour réaliser des activités éducatives, d’assistance, de promotion culturelle et sociale »… Ils sont 164.000, principalement des femmes17.

     

    Il nous faut encore mentionner

     

    la Société sacerdotale de la Sainte-Croix

    qui comporte 4.000 associés, dont les 2.000 prêtres de l’Œuvre. Cette société s’adresse aux prêtres et diacres diocésains qui veulent vivre « selon l’ascétique propre à l’Opus Dei » et recevoir son aide spirituelle18.

     

    Remarquons que l’Opus Dei ne comporte aucun moine, comme le roman “Da Vinci Code” (2003) et le film (2006) du même nom le laissent entendre à tort. Du reste, les membres ne prononcent pas de vœux comme les moines et les religieux19, mais des simples promesses.

     

    Actuellement une quarantaine d’évêques catholiques sont issus de l’Opus Dei, soit à peine 1% de l’épiscopat mondial. Rappelons que le nombre des évêques est d’environ 4 50020. Deux cardinaux sur les 202 (en août 2013) du collège cardinalice appartiennent à l’Œuvre: Juan Luis Cipriani Thorne (1943), archevêque de Lima21 et Julián Herranz Casado (1930), président émérite du Conseil pontifical pour les textes législatifs22.

     

    Par comparaison, les Jésuites sont 19.000, dont 12.700 prêtres, répartis à travers 112 pays dans le monde. Il y a cinq cardinaux jésuites23 et, bien sûr, le nouveau pape François.

     

    Le taux de croissance du mouvement est faible et stagne à environ 650 nouveaux membres par an pour le monde24.

     

    Au niveau financier,

    « la totalité des actifs de l’Opus Dei, à savoir toutes les ressources que supposent ses ‘œuvres collectives’, tournent autour de 2,8 milliards de dollars US. La comparaison vaut ce qu’elle vaut, mais la General Motors a déclaré des actifs équivalents à 455 milliards de dollars. Les actifs de l’Opus Dei ne sont pas trop impressionnants et ce, même par rapport à la moyenne catholique. En 2003, l’archevêché de Chicago a déclaré 2,5 milliards de dollars »25.

     

    Le recrutement est souvent qualifié d’élitiste26. Les étudiants, futurs dirigeants de la société, sont particulièrement visés. Ceci est confirmé à mi-mots par le porte-parole belge de l’Opus Dei dans une interview du 1er mars 2013 à “La Libre Belgique”:

     

    « La sanctification par le travail donne l’image d’une prélature ”élitiste”, ça vous gêne, ça vous flatte ou c’est totalement erroné ?

     

    Cette image est ‘erronée’. Dans le monde, on a eu des ministres (Espagne et G-B), sénateurs, grands patrons,… mais on a aussi des chômeurs, des agriculteurs, des personnes très modestes. Cette image-là de l’Opus Dei est méconnue, car moins visible. Nous commençons souvent notre apostolat par le milieu intellectuel, car – comme dans une entreprise – nous avons besoin de ‘cadres’ pour entrer dans la société belge (Nous soulignons). On a commencé par le milieu universitaire bilingue à Leuven en 1965 et – petit à petit – les milieux et classes sociales se diversifient. Mais nous n’avons pas ‘encore’ d’initiatives de types sociaux comme dans d’autres pays »27.

     

    L’Opus Dei a en charge douze universités dans le monde28.

     

    En plus, il gère de nombreuses résidences étudiantes, écoles et œuvres sociales partout dans le monde29.

     

    L’Opus Dei a connu une époque très favorable sous le pontificat de Jean-Paul II. Elle a culminé avec la canonisation de son fondateur. Actuellement, le procès en sainteté du successeur d’Escrivá, Álvaro del Portillo y Diez de Sollano (1914-1994), est en cours à Rome.

     

    Le pape François a approuvé le 5 juillet 2013 le décret relatif à la cause de béatification et reconnu un miracle par son intercession30.

     

    Ce « miracle concerne la guérison instantanée d’un petit enfant chilien, José Ignacio Ureta Wilson, qui, quelques jours après sa naissance (août 2003), a subi un arrêt cardiaque de plus d’une demi-heure avec une grave hémorragie »31.

     

    Cette reconnaissance ouvre la voie à la béatification du vénérable.

     

    Buts et Méthodes

    L’Opus Dei se présente comme « une institution de l’Église catholique fondée par saint Josémaria Escrivá de Balaguer », dont la « mission consiste à diffuser l’idée que le travail et les circonstances ordinaires sont une occasion de rencontrer Dieu, de servir les autres et de contribuer à l’amélioration de la société »32.

     

    Escrivá a déclaré:

     

    « Dès le départ, le seul objectif de l’Opus Dei a été celui que je viens de vous indiquer: faire en sorte qu’il y ait, au milieu du monde, des hommes et des femmes de toutes races et de toutes conditions sociales, qui s’efforcent d’aimer et de servir Dieu et leurs semblables dans et par le travail ordinaire »33.

     

    Il est difficile de qualifier de secte un mouvement catholique aussi bien inséré dans l’Église romaine. Le rapport sur les sectes des parlementaires belges34 avait pourtant fait le pas en 1997, en le taxant de « catholicisme intégral et élitiste ». L’Opus Dei avait alors réagi dans un document nommé « Quelques observations sur le travail de la commission d’enquête du Parlement belge sur les sectes »35.

     

    En 2001, dans une communication aux chefs d’Établissement de l’Enseignement Catholique, Jacques Trouslard relevait dix caractéristiques sectaires de l’Opus Dei36:

     

    1. L’engagement de mineurs:

     

    A l’insu de leur famille, certains contractent des vœux de célibat, d’obéissance et de pauvreté, quitte à utiliser, sur le conseil de leur directeur ecclésiastique ou de leur supérieur laïc, le mensonge en cas de questions des parents.

     

    2. L’endoctrinement:

     

    Il est systématique à partir d’un régime de prières intensif, de retraites, de conférences, de lectures qui proviennent exclusivement de l’Opus Dei et des écrits du fondateur. Or cette technique s’apparente, mutatis mutandis, à la technique cognitive et coercitive de la manipulation mentale. Le procédé mène progressivement à un enfermement à l’intérieur du groupe. Il est encore aggravé par la confession régulière des membres de l’Opus Dei, numéraires ou surnuméraires, à un prêtre appartenant au groupe. Les opusiens se confient aussi régulièrement à un directeur de conscience laïc, toujours membre de l’Œuvre.

     

    3. La rupture ou l’éloignement de la famille:

     

    C’est dans ce domaine que les plaintes sont les plus nombreuses. Les familles déplorent de ne plus voir leurs enfants. Elles s’étonnent d’autorisations annuelles réduites à quelques jours de vacances, alors que dans les congrégations religieuses, les personnes consacrées ont droit à environ deux semaines en famille et sont autorisées à rendre visite à leurs parents tout au long de l’année.

     

    4. Le prosélytisme exacerbé:

     

    Chaque membre doit recruter des adeptes, tenter d’influencer ses amis. L’Œuvre cherchait aussi à attirer des enfants ou des jeunes en les invitant à participer à des activités (culturelles, sportives, etc.) sans toujours préciser, à cette époque, qu’elles étaient organisées par l’Opus Dei.

     

    5. Les faux laïcs:

     

    L’Opus Dei prétend être un institut de laïcs qui partagent pleinement les conditions de la vie “extérieure”. Mais ces laïcs pratiquent en réalité une discipline dont l’austérité surpasse celle des congrégations contemplatives. Les conditions de vie qui sont imposées aux numéraires les séparent inévitablement des conditions normales de la vie laïque.

     

    6. Le cléricalisme:

     

    Les laïcs sont assujettis au pouvoir des clercs. La structure hiérarchique de l’Opus Dei, sur le plan local, régional, ou international, aboutit toujours à son sommet à un clerc. Par précaution verbale, l’Opus Dei souligne que les clercs se réservent le domaine spirituel sans interférer en aucune manière sur le plan temporel. Les membres, dit-on, sont libres et indépendants dans le choix de leurs options, alors qu’ils sont dirigés en réalité dans tous leurs faits et gestes.

     

    7. Le professionnalisme:

     

    L’Opus Dei développe une sorte de surestimation, d’exploitation outrancière du travail. Or, la profession ne définit pas toute la vie d’un individu. Cette exagération pose question, car pour l’Église catholique, la personne humaine ne vaut pas d’abord par ce qu’elle fait, mais par ce qu’elle est37.

     

    8. L’aspect financier:

     

    Dans le département de l’Aisne où est installé le château de Couvrelles, l’Opus Dei n’a pas craint de ponctionner sérieusement des agriculteurs pour construire l’école hôtelière Dosnon et rénover le château de Couvrelles. Certaines familles de membres ont, pour leur part, été très étonnées d’être sollicitées si fréquemment par leurs enfants qu’elles ne voient par ailleurs que très rarement. Le scandale de l’An-Hyp a éclaboussé le département de l’Aisne. (Cf ; L’Union: 25 et 27 juillet 1994).

     

    9. L’infiltration:

     

    La stratégie de l’Opus Dei vise à transformer la société en essayant de pénétrer tous les domaines de la vie économique, sociale, familiale et culturelle. Une délégation de la mairie de Soissons a protesté contre une nouvelle association de l’Opus Dei, créée à Soissons, l’A.P.P.F. (Association pour la Protection de la Famille) qui voulait « s’infiltrer et imposer son programme global » au Centre social de Chevreux.

     

    10. Le culte du maître:

     

    On retrouve à l’Opus Dei la domination d’un maître incontesté, craint et vénéré, que, dans d’autres groupes, on appelle un gourou. C’est l’extraordinaire dévotion au fondateur: Mgr Escrivá Balaguer. Des membres de l’Œuvre affichent dans leur chambre de magnifiques photos du fondateur, à côté d’une modeste image de la Vierge et parfois d’un petit crucifix. Souvent l’image du fondateur suffit. C’est devant lui que l’on prie en allumant une petite bougie.

     

    Les opusiens doivent suivre un plan de vie qui laisse peu de place à la fantaisie. On trouvera la présentation grand public de ces « devoirs » par le fondateur sur le site officiel de l’Opus Dei38.

     

    « Voici la liste des dévotions qu’un membre de l’Opus Dei doit obligatoirement accomplir. On les appelle le plus souvent normes ou encore coutumes39.

     

    CHAQUE JOUR IL FAUT:

    Se lever immédiatement dès que le réveil sonne (minute dite héroïque).

    Embrasser le sol en disant serviam (je servirai).

    Faire 30 minutes de prière le matin et 30 minutes l’après-midi (pendant lesquelles il est vivement conseillé de méditer les textes de saint Josémaria).

    Assister à la messe et communier.

    Rester exactement 10 minutes en prière d’action de grâce après la messe. Puis, réciter le Trium Puerorum (Le Cantique des trois enfants dans la fournaise), ainsi que le psaume 150.

    Dans la journée, se recueillir quelques instants devant le Saint Sacrement (Visite au Saint-Sacrement).

    Réciter l’angélus à midi.

    Réciter un chapelet (50 Je vous salue Marie) et méditer les 15 mystères du Rosaire restants.

    Lire pendant 10 minutes un livre de spiritualité imposé par le directeur spirituel et pendant 5 minutes le Nouveau Testament.

    Faire un examen de conscience à midi et le soir.

    Réciter une prière en latin réservée aux membres de l’Œuvre (Preces).

    Prier pour les intentions du prélat.

    Offrir une mortification pour le prélat (d’habitude, lui offrir la douche froide quotidienne).

    Les numéraires doivent porter deux heures par jour le cilice (sorte de bracelet en fer avec des pointes) autour de la cuisse.

    Réciter plusieurs fois par jour la prière « Souvenez-vous » à l’intention des autres membres de l’Œuvre.

    Dans les centres, en entrant et sortant de chaque pièce, regarder l’image de la Vierge en récitant une oraison jaculatoire.

    En entrant et sortant d’un centre, saluer l’ange gardien du centre et faire une génuflexion dans l’oratoire.

    Respecter le temps de la nuit: la nuit, on ne peut pas discuter, téléphoner, étudier ou travailler sans la permission du directeur.

    Dormir entre sept heures trente et huit heures par nuit.

    Respecter trois heures de silence après le déjeuner, pendant lesquelles il faut travailler (on ne peut pas faire la sieste ou se distraire).

    Avant de se coucher, réciter à genoux, les bras en croix, trois Je vous salue Marie en demandant la vertu de la pureté.

    Avant de dormir, asperger son lit d’eau bénite.

    Les femmes numéraires doivent dormir toutes les nuits sur une planche avec une couverture pliée en guise de matelas (jusqu’à l’âge de 40 ans), les hommes en sont exemptés.

    Porter sur soi le scapulaire.

    CHAQUE SEMAINE, IL FAUT:

    Assister à la méditation: prédication d’un prêtre de l’Œuvre réservée aux membres de l’Œuvre. Elle a lieu dans l’oratoire (la chapelle du centre) dans le noir: à l’exception de la bougie qui éclaire le tabernacle et d’une petite lampe sur la table du prédicateur qui projette des ombres spéciales sur son visage.

    Assister au Cercle, causerie d’un laïc réservée aux membres de l’Œuvre. Le Cercle comprend toujours: le commentaire de l’évangile du jour, l’approfondissement d’une norme du plan de vie, et un sujet en rapport avec l’esprit de l’Œuvre. Ces sujets sont proposés par la Commission régionale et accompagnés d’indications précises sur le contenu et la forme à suivre. Pendant le Cercle, on ne peut croiser les jambes. Il est bien vu aussi de s’accuser publiquement et à genoux de l’une de ses fautes (après en avoir parlé avec le directeur) et de recevoir à ce titre une pénitence symbolique.

    Se confesser avec le prêtre désigné.

    Faire l’entretien fraternel ou confidence, c’est-à-dire parler au directeur spirituel laïc désigné, lui rendre compte de ce qui s’est passé durant la semaine (accomplissement minutieux de toutes les normes, points de lutte, échecs et faiblesses, relations sociales: qui on a rencontré, pendant combien de temps, de quoi on a parlé, cette personne pourrait-t-elle avoir la vocation à l’Opus Dei ?) et enfin, recevoir du directeur, les objectifs fixés jusqu’au prochain entretien.

    Une fois par semaine, les numéraires doivent se fouetter eux-mêmes avec des disciplines (petits fouets en corde) tout en récitant des prières.

    Pour les numéraires hommes, dormir à même le sol une nuit par semaine. Les femmes ont droit à un dictionnaire en guise d’oreiller, car elles dorment déjà toutes les nuits sur une planche.

    Réciter et méditer le psaume II et l’hymne Adorote devote.

    Chaque samedi, réciter le Salve Regina et assister au Salut au Saint Sacrement.

    Comme mortification, ne pas prendre de goûter le samedi.

    CHAQUE MOIS, IL FAUT:

    Assister à une Récollection: une journée en silence dans le recueillement avec différentes prédications du prêtre et du directeur.

    Réciter et méditer le symbole d’Athanase.

    Pour les numéraires, remettre au directeur sa note de frais, c’est-à-dire la liste complète des moindres dépenses (du ticket de bus au tube de dentifrice).

    CHAQUE ANNÉE, IL FAUT:

    Assister à une retraite de six jours en silence, durant laquelle il est vivement recommandé de méditer les textes de saint Josémaria.

    Suivre un cours annuel (trois semaines pour les numéraires, une semaine pour les surnuméraires), on y apprend par cœur le Catéchisme de la Prélature de la Sainte-Croix et Opus Dei et on y reçoit différentes causeries de formation, des cours de philosophie et de théologie.

    et un long “etc.” de dévotions qu’il faut pratiquer une fois par an, et que nous épargnons au lecteur.”

    En 2009, la revue catholique progressiste « Golias Magazine » a publié le témoignage de 165 anciens membres et responsables du mouvement dénonçant ses méthodes40:

     

    « Les 165 signataires du témoignage décrivent les méthodes totalitaires auxquelles sont soumis les laïcs célibataires41.

     

    1- La dépendance économique entière

     

    L’individu qui travaille dans les structures relevant de l’Opus Dei, ne perçoit pas de salaire. Il est donc entièrement dépendant économiquement des directeurs, même pour ses menues dépenses (téléphone, déplacements, sorties, etc.). On ne saurait mieux asservir un individu.

     

    2- L’insécurité juridique

     

    Mais il y a pire. Aucun contrat de travail écrit ne lui est délivré ; aucun certificat n’atteste d’éventuels diplômes ou d’une activité. Tout se fait par oral. Il n’est donc pas possible de prouver son appartenance à l’Opus Dei par un document écrit. Aucune procédure ne peut donc être engagée contre l’Opus Dei devant un tribunal en cas de préjudice allégué. « Verba volant, scripta manent ». L’Opus Dei craint donc comme la peste l’écrit compromettant qui reste.

     

    3- Le contrôle de l’individu par isolement social, voire déracinement par déplacements constants.

     

    L’individu est progressivement écarté de sa famille et de son réseau d’amis: la participation à des événements familiaux est chichement accordée. Les relations sont sévèrement contrôlées. Des déplacements constants provoquent un déracinement, voire une désorientation pour exiger une disponibilité entière de l’individu.

     

    4- La délation institutionnalisée, appelée correction fraternelle

     

    Cela ne suffit pas. Il faut encore surveiller sa conduite. Au sein même de l’Opus Dei, chacun épie son prochain. Sous prétexte d’un devoir de correction fraternelle, la délation est institutionnalisée: les conduites d’autrui jugées déviantes doivent être rapportées à la direction qui dicte la procédure corrective à suivre. Aucune critique de la direction n’est tolérée. Et, quoiqu’ainsi rendues déjà difficiles par ces méthodes, les relations interpersonnelles sont étroitement contrôlées.

     

    5- La censure de l’information

     

    Il va de soi que toute information est soumise à une censure préalable de la direction: livres et autres médias doivent faire l’objet d’autorisation spécifique de la part de la direction. Les bibliothèques sont expurgées de tout ouvrage interdit. On songe à l’« Index librorum prohibitorum » décidé en 1559 par le Concile de Trente qui recensait les livres impies interdits aux fidèles. Émissions de télévision, films, spectacles sont a fortiori passés au crible avant d’être éventuellement permis.

     

    6- L’exigence d’une soumission aveugle à l’autorité

     

    Enfin, une soumission aveugle à l’autorité est exigée de l’individu ; elle caractérise ce qui est appelé « le bon esprit » par opposition « au mauvais esprit ».

    La direction est seule juge du contenu de ces formules arbitraires à souhait: collégiale, elle s’organise selon une hiérarchie stricte ;

    à la base, l’individu se voit imposer une double tutelle. Deux surveillants, un directeur spirituel laïc et un confesseur, l’observent au cours d’entretiens hebdomadaires, le soumettent à un interrogatoire en plus de la confession à laquelle il est astreint. Ses révélations confidentielles sont consignées par écrit à son insu et adressées à l’échelon collégial hiérarchique supérieur qui, en retour, adresse ses observations et les directives à appliquer.

     

    On a reproché à l’Œuvre sa pratique du secret42. Il est vrai que la nouvelle constitution de 1982 ne mentionne plus cette pratique, mais les habitudes ont la vie dure et le mouvement se refuse toujours à dire si une personne est membre ou pas. C’est du moins ce qu’affirme son porte-parole belge, le prêtre Stéphane Seminckx, à la “Libre Belgique”43:

     

    « Y a-t-il une forme de secret autour de l’appartenance à l’Opus Dei, comme cela peut exister dans la franc-maçonnerie, où l’on ne cite pas les noms des autres membres ?

     

    – Ce serait contradictoire, dans le sens où un membre de l’Opus Dei est appelé à témoigner de sa foi et s’afficher comme catholique et membre de l’Opus Dei. En fermant la bouche et se cachant les yeux, ce serait difficile…

     

    Si je vous cite un nom, vous me confirmerez qu’il est membre ?

     

    – En général non, par respect pour la vie privée je vous inviterai à lui poser la question directement. C’est à lui de décider quand et comment il souhaite en parler. »

     

    Ajoutons pourtant que la constitution de 1982 interdit toujours aux membres de paraître publiquement en corps44:

     

    « [Les fidèles de la Prélature] ne participeront pas collectivement aux manifestations publiques de culte comme les processions, sans pour autant cacher qu’ils appartiennent à la Prélature » Article 89.

     

    Qu’en est-il de la mortification pratiquée dans l’Opus Dei ? Elle est réelle et d’un autre âge selon nous. Ces paroles ahurissantes du fondateur sont révélatrices de sa spiritualité morbide45:

     

    « Tu me parles de Chemin. Je ne le connais pas par cœur mais il y a une phrase qui dit: bénie soit la douleur, aimée soit la douleur, sanctifiée soit la douleur, glorifiée soit la douleur. T’en souviens-tu ? J’ai écrit cela dans un hôpital, au chevet d’une mourante qui venait de recevoir l’Extrême-Onction.

     

    J’en étais follement jaloux ! Cette dame était de haute lignée et avait joui d’une grande aisance matérielle dans sa vie. Et elle se trouvait là, sur un grabat, à l’hôpital, mourante et toute seule, sans autre compagnie que celle que je pouvais lui apporter à ce moment là, jusqu’à ce qu’elle meure.

     

    Et elle reprenait ces mots, en les savourant, heureuse: bénie soit la douleur — elle endurait toutes les souffrances morales et physiques — aimée soit la douleur, sanctifiée soit la douleur, glorifiée soit la douleur ! La souffrance prouve bien que l’on sait aimer, que l’on a du cœur”.

     

    On nous dit même “que saint Josémaria se servit de ces paroles plus d’une fois pour consoler des malades mourants dont il s’occupait en ces années-là (Ndr années 30), dans les hôpitaux de Madrid. »

     

    Revenons à l’interview de Monsieur Stéphane Seminckx qui confirme à sa manière46:

     

    Enfin, vous l’indiquez en première page de votre site internet, l’Opus Dei pratique la mortification, ce qui signifie « s’imposer une souffrance physique pour progresser dans le domaine spirituel ». Ce genre de sacrifice corporel interpelle, même si on est loin de la caricature du film ‘Da Vinci Code’ avec le sang qui gicle sur les murs.

     

    – Oui, dans le film, c’est absurde et n’a rien à voir avec ce que nous vivons.

     

    Soyons concrets. Dans le livre ‘Chemin’, Escrivá demande à ses membres « d’aimer, de bénir, de sanctifier et de glorifier la douleur ! » Vous admettez que c’est difficile à comprendre quand on est extérieur à l’Œuvre ?

     

    – Difficile à comprendre??? Que le Christ ait été condamné à mort, flagellé, couronné d’épines et crucifié ? Alors, ça fait 2.000 ans que c’est difficile à comprendre. Cette dimension de souffrance et de mort fait partie de la vie de disciple chrétien. La mortification, c’est faire mourir en soi tout ce qui est pesanteur dans sa personnalité et qui m’empêche de m’élever vers Dieu, tel que l’égoïsme, le péché. Ces actes de mortification permettent de s’identifier au Christ, au même titre que le jeûne du Carême. Je ne peux pas vivre avec le Christ si je ne souffre pas avec lui.

     

    Concrètement, le cilice (photo ci-dessus) est une petite ceinture métallique qui pique la peau. Vous l’attachez de manière serrée – et donc douloureuse – à la cuisse. Tout le monde pratique cela ?

     

    – Non, les surnuméraires ne font et ne vivent pas cela. Je crois même qu’ils n’ont jamais vu de cilice. Clairement, une mère de famille ne fait pas cela. Sa charge quotidienne est suffisante…

     

    Quand utilisez-vous le cilice et comment ? Ça peut aller jusqu’à saigner ?

     

    – On le met environ 2 heures par jour, mais c’est presque rien. Celui qui fait un régime ou du body building souffre dix fois plus que moi avec mon cilice. Ça pique juste un peu… je ne fais qu’un tout petit quelque chose de très modeste. C’est moins douloureux que pour le Christ, mais je ne cherche pas non plus à l’imiter.

     

    Puis, il y a des coups de fouets… petit fouets, certes.

     

    – On fait cela dans un endroit discret afin d’être en communion avec le Christ. Mais nous n’avons pas le monopole de cela. Paul VI employait un cilice. D’ailleurs, nous achetons cela à d’autres ordres. Cela ne se vend pas au Carrefour…

     

    Vous rigolez, mais vous comprenez que ça interpelle les gens ?

     

    – Évidemment, car la passion du Christ est un scandale pour les Juifs et une folie pour les Païens… et vu qu’il y en a beaucoup, ça reste une folie. Certains voudraient vivre et triompher avec le Christ sans mourir ou souffrir avec lui. On ne peut pas sauter les pages de la passion, comme disait le Cardinal Danneels. La mortification fait totalement partie de notre choix d’amour… comme un marié embrasse sa femme tous les jours. C’est de l’amour.

     

     

     

    Enfin, vous dormez parfois par terre, sans matelas…

     

    – C’est du même ordre, une petite mortification réservée aux numéraires. Ce n’est pas de l’héroïsme.

     

    Étonnant quand même… Surtout quand le porte-parole du mouvement compare ces macérations à embrasser sa femme tous les jours. On voit bien qu’il est célibataire…

     

    Justement au sujet du mariage, nous avons trouvé une “perle” d’Escrivá. Selon lui les grandes responsables de l’adultère des hommes sont leurs épouses:

     

    « Ainsi, j’ose affirmer que les femmes sont responsables, à quatre-vingts pour cent, des infidélités de leurs maris, parce qu’elles ne savent pas les conquérir chaque jour, elles ne savent pas avoir des gestes aimables et délicats »47.

     

    Et celles-ci dans “Chemin”:

     

    « Le mariage est pour la troupe et non pour l’état-major du Christ… » [28]

     

    Les femmes n’ont pas besoin d’être savantes, il suffit qu’elles soient effacées” [946]

     

    Enfin la position d’Escrivá au sujet du nazisme a été critiquée:

     

    Vladimir Felzmann, prêtre et ancien membre de l’Opus, rapporte une conversation avec Escrivá qui en dit long. Après avoir maintenu que le christianisme avait été sauvé du communisme par la prise de pouvoir du général Franco avec l’appui du chancelier Hitler, il ajouta:

     

    « Hitler contre les juifs, Hitler contre les slaves, c’était Hitler contre le communisme.48 »

     

    Evidemment l’Opus Dei réfute cette déclaration embarrassante49.

     

    Le site de “Golias” a décrypté le vocabulaire “ésotérique” de l’Opus Dei50:

     

    « Le secret de l’Œuvre est présent jusque dans son langage. Le profane qui voudrait comprendre l’Opus Dei doit d’abord passer par une phase rébarbative: le décryptage d’un vocabulaire hallucinant, condition sine qua non pour trouver son chemin dans l’enchevêtrement d’un labyrinthe épouvantable. …

     

    Academia-Residencia: Formulaire où figurent les renseignements principaux concernant la personne et sa famille. Le candidat le remplit et le remet avant l’’Admissio’. Il constitue la base du fichier des personnes qui est géré dans la Région correspondante et continuellement complété avec les indications fournies par la personne elle-même ainsi que par d’autres, éventuellement. Les renseignements personnels sont également transmis avec la photo – format passeport – à la centrale romaine.

     

    Administration:1) La totalité des travaux domestiques des sièges et des centres, c’est-à-dire, concrètement, l’assistance pour les oratoires, les services de la porte et du téléphone, la propreté des pièces, l’intendance et le linge. 2) Les groupes de personnes qui exécutent des travaux dans un centre: a) administration extraordinaire: les femmes célibataires de l’Opus Dei, qui s’occupent des travaux domestiques dans les centres masculins, mais n’y habitent pas ; b) administration ordinaire: les femmes célibataires de l’Opus Dei qui s’occupent des travaux domestiques dans les centres masculins où elles habitent, mais dans un lieu strictement séparé.

     

    Admissio:Simple admission comme membre (à dix-sept ans au plus tôt). Le candidat et la prélature signent un contrat. Le nouveau membre s’engage, entre autres, à vivre selon l’esprit et la pratique de l’Opus Dei et à être actif au point de vue apostolique. La prélature s’engage à garantir au membre une formation continue au point de vue théologique, une formation spirituelle et une discipline en matière d’ascèse, ainsi qu’à lui garantir un encadrement pastoral spécifique par des prêtres de la prélature. …

     

    Âne: Symbole populaire au sein de l’Opus Dei. Egalement, mascotte dans les centres. Animal préféré de Josémaria Escriva, parce qu’il est toujours heureux de faire ce que son maître lui demande.

     

    Aspirant: Le jeune, à partir de quatorze ans et demi, qui a été désigné en tant que numéraire (célibataire) ou agrégé (célibataire) et qui veut être accepté à l’Opus Dei, exprime sa demande dans une lettre adressée au vicaire régional. Ensuite, il est intégré par le programme de la formation initiale dans la vie interne de l’Opus Dei, sans appartenir juridiquement à l’Œuvre (voir aussi Société sacerdotale de la Sainte-Croix).

     

    Baiser le sol: Exercice religieux qui trouve son origine directement dans l’esprit de l’Opus Dei et qui est à accomplir immédiatement après s’être levé le matin et en d’autres occasions (par exemple: les Preces51 quotidiens, ou au cours du Cercle hebdomadaire) avec la prière Servian (Je veux servir).

     

    Caeremoniale: Écrit qui fixe le déroulement de certaines actions (par exemple les Preces, le déroulement d’un Cercle, l’établissement d’une Liste de Joseph).

     

    Canard: Symbole populaire au sein de l’Opus Dei. Un des animaux préférés de Josémaria Escrivá parce qu’il saute dans l’eau sans faire attention. Les membres de l’Opus Dei doivent agir ainsi pour recruter des membres.

     

    Candidat siffleur: Nom qui se trouve sur la liste de Saint Joseph.

     

    Canziones: Chants, généralement espagnols, de l’Opus Dei pour recruter des membres, que les enfants du club ou les candidats siffleurs (= aspirants de l’Opus Dei) apprennent déjà.

     

    Catecismo: Catéchisme de l’Opus Dei. Instrument de formation, avec questions et réponses. Occasionnellement modifié, il est gardé scrupuleusement sous clef. Il est interdit de prendre des notes à partir du catéchisme.

     

    Ceinture de pénitence: Ruban métallique, muni d’épines dirigées vers l’intérieur, attaché au haut de la cuisse. Les numéraires et les agrégés (soit la moitié environ des effectifs de l’Opus Dei) doivent le porter quotidiennement pendant au moins deux heures. Information qui dément les propos de l’Opus Dei selon lesquels les instruments de pénitence ne jouent qu’un rôle minime et ne sont utilisés que par une minorité des membres de l’Œuvre. …

     

    Charla Fraterna: Explication hebdomadaire d’un membre avec son responsable spirituel.

     

    Charla Periodica: Explication occasionnelle d’un membre avec un prêtre de l’Opus Dei. …

     

    Cinq mille kilomètres: La distance qui, selon Josémaria Escrivá, devrait séparer ses fils et ses filles (les sections masculines et féminines, ou la Résidence et l’Administration) dans une même famille de l’Opus Dei. …

     

    Confidencia: Confession des membres au sein de la Charta Materma.

     

    Correctio fraterna: Réprimande adressée à un membre par un autre témoin d’un manquement de la personne réprimandée contre l’esprit de l’Œuvre. Cette admonestation est précédée, la plupart du temps, d’une consultation auprès d’un supérieur.

     

    Cours annuel: Remplace les vacances annuelles. Il est d’une durée de trois semaines consacrées à la formation en philosophie, théologie et psychologie.

     

    Cronica: Revue interne des responsables, qui n’est accessible directement qu’aux numéraires et qui doit être gardée sous clef par les directeurs des centres.

     

    Cuadernos: Œuvre, en neuf volumes, avec les instructions concernant la vie intérieure, également gardée sous clef. …

     

    Esprit et pieuses habitudes: Écrit en latin (De spiritu et de pius servandis consueiudinibus) avec de brefs paragraphes concernant la vie interne de l’Opus Dei. Trouve ses origines dans les Constitutions. À garder scrupuleusement sous clef.

     

    Examen particulier: Le point que fixe le directeur spirituel lors de la Charla Fraterna et pour lequel la personne concernée doit fournir un effort particulier dans la semaine qui suit. …

     

    Famille: Communauté de l’Opus Dei. A débuté en 1932 avec le père de Josémaria Escrivá, la grand-mère (abuela) Dolores, la tante (tia) Carmen et Santiago qui vivaient ensemble. Elle a plus d’importance que la famille de sang respective des enfants (= membres de l’Opus Dei). Les organisations de type secte aiment s’appeler “famille”.

     

    Fidelitas: Promesse d’appartenir à vie à l’Opus Dei et admission juridiquement définitive, possible à l’âge de vingt-trois ans au plus tôt. La promesse est faite par des numéraires et des agrégés, les surnuméraires ne sont que rarement admis. En plus du contrat général à vie (comparer également Admissio et Oblatio), les candidats à la Fidelitas font encore une promesse spéciale par laquelle ils s’engagent:

     

    1) à éviter tout ce qui pourrait nuire à l’Œuvre ;

    2) à exercer la correction fraternelle ;

    3) à être encore plus fidèles à l’égard de l’enseignement de l’Église et de l’esprit de l’Opus Dei.

     

     

    Fouet: Fouet à cinq bouts pourvus de nœuds (obligatoire pour les hommes) ou fait de cordes en nylon auxquelles on a attaché de grosses et lourdes boules pourvues d’épines (obligatoire pour les femmes). Est utilisé par les numéraires et agrégés le samedi, pour une durée correspondant au Salve Regina ou Regina Coeli.

     

    Glosas: Instructions en cinq volumes, décorés avec cinq couleurs distinctes, pour la formation des candidats entrant à l’Opus Dei. Pour ceux qui sont admis à la Société sacerdotale de la Sainte-Croix (brun clair) ; pour les laïcs célibataires à Saint-Michel, numéraires (rouge) ; agrégés (bleu) ; pour les mariés, à Saint-Gabriel (bleu foncé) ; pour les jeunes, à Saint-Raphaël (brun). À garder scrupuleusement sous clef. …

     

    Habitudes: Exercices spirituels dans le déroulement d’une journée. À distinguer des normes (voir Esprit et pieuses habitudes).

     

    Index: Index librorum prohibitorum. Liste de livres interdits établie par le Saint-Siège – avec punition de l’Église – introduite en 1559 et abolie en 1966. Continue à être d’application au sein de l’Opus Dei, et de manière plus sévère: plus de mille titres (par exemple: Küng, Luther, Lessing, Brecht, Pasternak) auxquels de nouveaux viennent sans cesse s’ajouter. Classification: 1) pas d’objection ; 2) uniquement permis dans le cadre d’une formation doctrinale préparatoire ; 3) tombe sous l’interdiction interne ; 4) tombe sous l’interdiction morale générale.

     

    Inscrito/Inscrita: En espagnol: inscrit/inscrite. Numéraire qui, en plus d’un contrat normal, se lie à la prélature par un contrat supplémentaire et qualifié pour les tâches de direction. Pas mentionné dans les statuts mais dans les écrits internes (par exemple, Vademecum). Les noms des inscrits sont inconnus de la plupart des membres de l’Opus Dei.

     

    Jour de veille: Un jour par semaine pendant lequel chaque membre de l’Opus Dei consacre une attention toute particulière à sa prière ainsi qu’à la réalisation de l’esprit opusdéiste, des normes et des habitudes envers lui-même et les autres (voir Correctio fraterna). Comprend le Sleeping.

     

    Lanterne rouge: La dernière personne à être devenue membre d’un centre porte la lanterne rouge de manière symbolique et la transmet dès qu’un nouveau membre est recruté.

     

    Lettre: Demande d’admission que le candidat siffleur (ou la candidate siffleur) adresse par lettre recommandée, à l’âge de seize ans et demi au plus tôt, à son ordinaire compétent à la prélature. Celui qui veut devenir numéraire ou agrégé écrit la lettre au prélat ; les futurs surnuméraires l’adressent au vicaire général compétent. …

     

    Liste de Saint Joseph: Liste des candidats siffleurs possibles, qui est établie au Centre le dix-huit mars de chaque année (la veille de la fête de Saint Joseph et de la fête du fondateur Josémaria Escrivá) et qui est gardée sous clef. Durant une année, on essaye de recruter des candidats pour l’Opus Dei et, le dix-huit mars de l’année suivante, l’enveloppe contenant la liste de Saint Joseph est ouverte. Les recruteurs efficaces seront mis à l’honneur. Souvent, il existe trois listes différentes, selon les trois groupes de membres. …

     

    Minute héroïque: Se lever tout de suite le matin, immédiatement après que la sonnette (du réveil-matin) ait retenti.

     

    Mortification: a) Mortification obligatoire: par exemple, le fouet et le cilice ; dormir sur un lit blanc (uniquement pour les femmes numéraires) ; minute héroïque ; pas de sieste.

     

    b) Mortification volontaire: par exemple, être gentil ; le matin, une douche froide ; pas de bain dans une baignoire ; être assis sur une chaise sans s’appuyer ; pas de tartine beurrée. …

     

    Noticias: Revue interne de la section féminine de l’Opus Dei, qui est gardée sous clef. …

     

    Oblatio: Renouvellement annuel des liens contractuels avec l’Opus Dei. En règle générale, cinq fois jusqu’à la Fidelitas. La promesse faite lors de l’incorporation (Admissio) est renouvelée. …

     

    Obras: Revue interne de l’Opus Dei, qui est gardée sous clef. …

     

    Pêche: De l’espagnol: pesca. Recrutement de nouveaux membres (voir Canziones).

     

    Piothèque: La bibliothèque fermée à clef dans un centre de l’Opus Dei. …

     

    Preces: Prière de la famille de l’Opus Dei, obligatoire sauf pour les non-membres. Elle contient des demandes adressées à Marie, Joseph et les anges, pour le pape, pour l’évêque. Pour les bienfaiteurs de l’Opus Dei et pour le fondateur. Les Preces, et quelques autres prières, ne doivent être accomplies qu’en latin, et avec la prononciation romaine. …

     

    Saint-Gabriel: Œuvre de l’Opus Dei pour les gens mariés qui veulent être acceptés dans les rangs de l’organisation.

     

    Saint-Michel: Œuvre de l’Opus Dei pour les célibataires qui veulent être acceptés.

     

    Saint-Raphaël: Œuvre de l’Opus Dei pour les enfants et les jeunes qui veulent être acceptés. …

     

    Séminaire des siffleurs: Réunions spéciales pour non-membres prêts à entrer dans l’Opus Dei.

     

    Siffler: Entrer à l’Opus Dei. …

     

    Sleeping: Repos nocturne sur le plancher au moins une fois par semaine. Les numéraires féminins qui dorment dans un lit renoncent, une fois par semaine, à leur oreiller, ou le remplacent par un livre.

     

    Vademecum: Guide. Écrit en sept volumes, établi en différentes couleurs avec des indications précises et pratiques pour la vie quotidienne à l’Opus Dei. Les dispositions d’application des Statuts et d’Esprit et pieuses habitudes sont à garder scrupuleusement sous clef. La première version a été écrite par Josémaria Escrivá, mais elle a été retravaillée pour la prélature personnelle: De publicationes internas (rouge) ; De los consejos locales (bleu foncé) ; Del apostolado de la opinion publica (orange) ; De liturgia (bordeaux) ; De sacerdotes (violet) ; De las Fedes de los Centros (vert) ; De Ceremonias Liturgicas (gris).” …

     

    Divers: Et le Da Vinci Code ?

    Le Da Vinci Code est un roman écrit par Dan Brown en 2003 et adapté au cinéma par Ron Howard en 200652. Il s’agit d’une œuvre qui présente un Opus Dei et un christianisme de pure fiction.

     

    Nous partageons avec quelques nuances les cinq points de réplique de l’Œuvre à ce sujet;

     

    « En résumé voici les principaux problèmes concernant Da Vinci Code:

     

    1. Il s’en prend à l’Église catholique et à ce qu’elle croit sur Jésus-Christ, à la Bible, et à l’autorité de l’Église.

    2. Il prétend être parfaitement précis et basé sur des faits, ce qui est faux.

     

    3. Il réécrit et donne une interprétation erronée de l’histoire séculaire de l’Église.

    4. Il met en exergue des idées néo-gnostiques, féministes radicales.

     

    5. Il propage une attitude indifférente et relativiste envers la vérité et la religion. »53

     

    Finalement l’Opus Dei a profité du Da Vinci Code pour renforcer sa communication. Le “Figaro Magazine” affirmait en 2007 que

     

    « le site internet de l’Œuvre en France recevait une moyenne de 7.000 visites par mois avant 2004 ; il en affiche aujourd’hui 21.000. Le site mondial en décomptait 1 million en 2005 ; pour chacun des trois premiers mois de 2006, cette moyenne est passée à 13 millions ».54

     

    L’affaire Catherine Tissier

    A l’issue du procès, la justice a donc ordonné la publication du communiqué suivant dans les journaux “Le Figaro” et “La Croix”:

     

    « Par arrêt du 26 mars 2013, la Cour d’Appel de Paris a condamné l’ACUT à une amende de 75.000 €, Madame BARDON DE SEGONZAC et Madame DUHAIL, responsables de l’École Technique Hôtelière de Dosnon et du Centre International de Rencontres de Couvrelles (Aisne), à une amende de 3.000 € chacune pour travail dissimulé en ayant fait une exploitation abusive du travail bénévole de membres de l’Opus Dei et pour rétribution contraire à la dignité en ayant profité du jeune âge et de la situation de dépendance de ses pensionnaires, élèves ou stagiaires, ainsi que de la vulnérabilité d’une numéraire auxiliaire (Catherine Tissier) pour rémunérer insuffisamment ou se passer de rémunérer leur travail. »

     

    Les personnes qui veulent consulter l’integralité de l’arrêt de la Cour d’Appel peuvent le consulter sur internet55:

     

    Massimo Introvigne, directeur du Centro Studi sulle Nuove Religioni – CESNUR), affirmait en septembre 2011 que le seul lien existant entre l’école Dosnon et l’Opus Dei consiste en l’assistance spirituelle. Autrement dit l’Opus Dei fournirait un service d’aumônerie à l’école hôtelière sans plus56.

     

    C’est également la thèse officielle du mouvement:

     

    « L’appartenance de Catherine Tissier à l’Opus Dei jusqu’en 2001 et la prise en charge de l’aumônerie de l’école Dosnon par cette institution de l’Eglise Catholique ont suffi à certains pour considérer qu’elle était partie prenante dans ce procès »57.

     

    Quelques remarques nuancent cette opinion:

     

    1. L’arrêt de la Cour d’Appel déclare que les protagonistes de l’affaire sont ou étaient membres de l’Opus Dei58

     

    2. D’après la parution du jugement ci-dessus dans la presse Madame BARDON DE SEGONZAC et Madame DUHAIL, sont les responsables de l’École Technique Hôtelière de Dosnon et du Centre International de Rencontres de Couvrelles, abrités dans le même château.

     

    3. Un ancien professeur de l’école, ex-numéraire auxiliaire, a indiqué au procès en appel que l’école avait été créée pour pallier le manque de personnel du Centre de Rencontres59

     

    4. Le château de Couvrelles, est répertorié comme appartenant à l’Opus Dei dans la carte de ses établissements qui proposent des activités de formation spirituelle60

     

    5. L’opusien Henri Mondion déclare sur son site que l’ancien prélat de l’Œuvre, Alvaro del Portillo (+ 1994) a séjourné à Couvrelles en 1986 et qu’il l’y a rencontré61. Quand on sait que l’école hôtelière et le centre de Couvrelles de l’Opus Dei sont dans le même château et que les élèves de l’école font leurs “stages” dans le centre, comment croire qu’il n’existe qu’un lien d’ordre spirituel.

     

    6. Il est connu que l’Opus Dei utilise des sociétés écrans62. Ne serait-il pas possible que l’Association de Culture Universitaire et Technique (ACUT) qui gère l’école Dosnon, soit l’une d’entre elles ?

     

    7. Sur le site d’information du CIDE, l’école hôtelière Dosnon est présentée comme une institution catholique dépendant de la Prélature de l’Opus Dei63.

     

    Le moins qu’on puisse dire est que l’ACUT et l’école hôtelière sont proches de l’Opus Dei64.

     

    Les personnes concernées se sont pourvues en cassation65. Donc l’affaire est à suivre.

     

    Dans son dépliant « Chercher Dieu dans la vie ordinaire »66, l’Opus affirme que l’âge de 18 ans est requis pour s’engager:

     

    « Lorsque leur décision a mûri suffisamment, elles (les personnes) peuvent demander à être admises. Dix-huit mois plus tard, si elles ont toujours la ferme conviction que leur place est là, elles peuvent s’engager dans l’Opus Dei. L’âge minimal pour prendre cet engagement est de 18 ans. Il doit ensuite être renouvelé chaque année pendant au moins cinq ans, avant de pouvoir devenir un engagement à vie. »

     

    Pourtant, en 1987, Catherine Tissier s’est engagée dans l’Œuvre par les promesses d’obéissance, de pauvreté et de chasteté avant l’âge de 16 ans67. On peut quand même se demander si elle était assez mature pour faire de telles promesses en toute connaissance de cause.

     

     

    Conclusion

     

    En conclusion on peut citer les critères de discernement d’une secte élaborés par le Vatican68:

     

    Les 11 caractéristiques des mouvements religieux destructifs selon le Vatican

     

    Caractéristique n° 1: Un processus subtil d’introduction du converti et (une) découverte progressive de ses véritables interlocuteurs ; ainsi que l’approche générale basée sur la tromperie et la séduction.

     

    Caractéristique n° 2: Utilisation de techniques de domination: “matraquage d’amour” (“love-bombing”), etc.

     

    Caractéristique n° 3 Réponses toutes faites… on force quelquefois la décision des recrues.

     

    Caractéristiques n° 4  et 5: Usage de la flatterie et contrôle grâce à la distribution d’argent, de médicaments.

     

    Caractéristique n° 6: Exigence d’un abandon inconditionnel au fondateur, au leader.

     

    Caractéristique n° 7: Utilisation de l’isolement: contrôle du processus rationnel de pensée, élimination de toute information ou influence extérieure (famille, amis, journaux, … etc.) qui pourrait briser la fascination et le processus d’assimilation des sentiments, des attitudes et des modèles de comportement.

     

    Caractéristique n° 8: Détournement des recrues de leur vie passée, insistance sur les comportements passés déviants, comme l’usage de la drogue, les méfaits sexuels ; moquerie du sujet, des troubles psychiques, du manque de relations sociales, etc.

     

    Caractéristique n° 9: Méthodes d’altération de la conscience conduisant à des perturbations de la connaissance (“bombardement intellectuel”), utilisation de clichés inhibant la réflexion, systèmes logiques clos, limitation de la pensée.

     

    Caractéristique n° 10: Maintien des recrues dans un état d’occupation continue, en ne les laissant jamais seules ; exhortation et formation continuelles dans le but d’arriver à un état d’exaltation spirituelle, de conscience émoussée, de soumission automatique aux directives ; écraser la résistance et la négativité.

     

    Caractéristique n° 11: Forte concentration sur le leader ; certains groupes peuvent même diminuer le rôle du Christ en faveur du fondateur (dans le cas de “sectes chrétiennes”).

     

    Il convient évidemment d’appliquer ces caractéristiques également aux mouvements catholiques eux-mêmes, y compris à l’Opus Dei. Nous avons produit quelques opinions de différentes personnes qui permettront à chacun de se faire une idée.

     

    En terminant, voici les quatre directives du cardinal Hume, archevêque catholique de Westminster à l’Opus Dei en décembre 1981 pour son diocèse:

     

    1. Aucune personne âgée de moins de 18 ans ne doit être autorisée à prononcer de vœux ou à prendre des engagements à long terme, en relation avec l’Opus Dei ;

     

    2. Il est essentiel que les jeunes qui désirent entrer dans l’Opus Dei s’en ouvrent à leurs parents ou à leurs tuteurs légaux. Si, par exception, il existe des raisons fondées pour que l’on n’entre pas en contact avec leurs familles, ces raisons doivent, dans tous les cas, être débattues avec l’évêque local ou son délégué ;

     

    3. S’il est admis que ceux qui adhèrent à l’Opus Dei prennent les devoirs et les responsabilités propres aux membres, il faut bien veiller à respecter la liberté de l’individu ; tout d’abord la liberté, pour l’individu, d’adhérer à l’organisation ou de la quitter sans que s’exerce une pression indue ; la liberté, pour l’individu, à quelque étape que ce soit, de choisir son propre directeur spirituel, que ce directeur soit ou non membre de l’Opus Dei ;

     

    4. Les initiatives et les activités de l’Opus Dei dans le diocèse de Westminster doivent porter la claire indication qu’elles sont patronnées et dirigées par lui.

     

    Je suis convaincu que ces quatre directives ne gêneront nullement l’Opus Dei dans son travail apostolique mais l’aideront à adapter sa spiritualité à nos traditions.”

     

    Nous recommandons quatre sites internet aux personnes qui veulent aller plus loin au sujet de l’Opus Dei:

     

    Sites favorables:

     

    Site de l’Opus Dei en français opusdei.fr

    Site consacré au fondateur fr.josemariaescriva.info

    Sites défavorables:

     

    Site internet d’anciens membres opuslibre.free.fr

    Opus Dei info, une mine de documents opus-info.org

    Jacques LEMAIRE

     

    Jacques LEMAIRE est né en 1950.

    Il a étudié la théologie dans l’Église catholique romaine, où il se destinait à la vie monastique. Il s’est converti en 1971. Il est pasteur de l’Assemblée Chrétienne de Courcelles (Belgique), qu’il a fondée en 1980 avec son épouse Danièle BRACQ. Il se consacre à l’enseignement biblique. Il est en outre membre du comité directeur de Vigi-Sectes, directeur du Centre de Formation Chrétienne et il collabore à la formation de pasteurs et de responsables d’Églises locales.






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